« Une vie de brimades en terre promise » de Monique Alfred Ondze Abouem : une nouvelle lumière dans la littérature congolaise
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Si dans la littérature féminine d’Afrique centrale l’on peut citer la Camerounaise Calixthe Béyala, la Gabonaise Justine Mintsa et la Congolaise Emilie Flore Faignond, parmi tant d’autres, le cercle ne fait que s’agrandir. Une autre découverte : Monique Alfred Ondze Abouem, née au Cameroun et vivant au Congo depuis l’âge de six ans, avec son premier roman « Une vie de brimades en terre promise » édité chez l’Harmattan en novembre 2012.
Dernière enfant d’un vieux polygame avec une grande progéniture, Nadège Wallaby, à l’âge de six ans assiste, malgré elle, aux ébats sexuels de son père avec ses épouses, puisque dormant dans la même chambre que celui-ci. Sa mère, la plus jeune des épouses, cocufie son père. Son destin va subir un choc à la mort de ce dernier qui l’a confiée à sa grande sœur Aîcha, sa seconde mère, vu son âge avancé. Et tout le roman sera bâti sur les relations plus ou moins tendues et déchirantes entre les deux sœurs qui, par la volonté de Dieu qui habite le cœur de la cadette, vont se réconcilier à la fin, comme le voulait leur père.
Aïcha, une femme pas comme les autres, une femme sans cœur
Tout au long du récit, Nadège sera synonyme d’ « une vie de brimades en terre promise » du nouveau pays, où elles vont séjourner. Sur les bancs de l’école et même plus tard quand elle sera mère, Nadège, malgré quelques révoltes, ne peut s’échapper des supplices que lui infligent sa sœur et son mari. On a l’impression que tous les maux et malheurs qu’endure Nadège tout au long de sa cohabitation avec sa sœur sont provoqués par ce couple. Malgré l’amour qu’elle éprouve pour sa sœur aînée, Nadège ne récoltera que mépris, jalousie et haine de la part de celle-ci qui avait même brûlé son acte de naissance par cynisme. Aucun geste de sympathie envers sa cadette, sinon par intérêt. Elle refuse de la parrainer quand celle-ci arrive à avoir une promesse d’embauche. Elle se mêle aussi dans les problèmes sentimentaux de Nadège et pousse son sadisme au paroxysme en demandant à sa sœur de quitter l’homme qu’elle aime pour un autre plus riche. Et cela va se remarquer pendant la rencontre des deux familles : « La famille d’Aïcha détestait mon mari parce qu’il était sans travail, il n’avait rien (…) Aîcha me proposait de prendre comme mari le fils d’une de ses copines parce que c’était une famille riche » (p.164). Et tout au long du récit, le cynisme et le sadisme d’Aïcha vont se déporter aussi sur les enfants de Nadège ainsi que sur certains hommes qui auraient plus ou moins construire son bonheur.
Nadège, les hommes et son destin
Le destin de Nadège est traversé du début à la fin par l’image de l’homme dans toutes ses dimensions. Déjà enfant, elle est marquée par l’image de son père à travers ses ébats sexuels avec ses épouses. Un peu plus tard, elle subit à son tour une sexualité forcée de la part de l’homme. Elle violée par un de ses professeurs. Ce viol bouleverse sa vie d’enfant candide qui se transforme en « femme complète » malgré elle. C’est avec douleur qu’elle va porter prématurément une grossesse non désiré. A la puberté, Nadège endure un véritable martyre du sexe qui met fin à sa virginité : « D’une main ferme et résolue, il [le professeur] m’arracha le slip et me posséda avec la même brutalité. Après lui avoir mordu un doigt, je criai de douleur. Comme il était en plein orgasme, il ne se rendit pas compte que je perdais du sang. C’est après qu’il prit conscience qu’il venait de violer une fille vierge » (p.49). Peut-être pour avoir commis un acte ignoble, cet homme subira la « malédiction des cieux » en se retrouvant plus tard « dans un état piteux. Il a perdu la raison (…) déambule nu dans les rues de la ville » (p.199). Aucun homme dans le récit n’a rendu Nadège heureuse comme elle le souhaitait. Son amour d’enfance avec Verdrac ne va pas jusqu’au bout. Même quand plus tard, le garçon deviendra un homme riche, Nadège ne voudra pas cet amour qui se fonde sur l’argent et le matériel. Le père de ses enfants, Calvin qu’elle aime de tout son cœur, sera influencé par sa famille pour décevoir la jeune femme. Son beau-frère, un véritable bourreau à son égard. Quand son épouse s’en prend à sa cadette, l’homme se permet de battre cette dernière : « Son mari bondit alors sur moi, déchira mes vêtements et se mit à me frapper, presque nue. Il se mit à m’étrangler en disant que cette fois il fallait que je meure. » (p.68). Cet homme qui a fait tant souffrir sa petite belle-sœur, profitera de l’absence de sa femme pour vouloir paradoxalement coucher avec elle ; peine perdue. On peut dire que le véritable homme qu’elle a aimé dans sa vie, c’est son père quand elle était encore enfant et provoquait la jalousie de ses belles-mères.
Nadège habite Dieu et Dieu habite Nadège
Toute la vie de Nadège se greffe sur l’image de Dieu qu’elle implore à tout moment. Surtout dans ses moments de détresse. Habitée par Dieu, elle n’arrive pas à s’en prendre à tous ses agresseurs, en particulier à sa propre sœur Aîcha. Déjà à six ans, elle connait déjà l’appel de Dieu, comme elle l’affirme : « les dimanches, je me rendais à l’église accompagnée de bienvenu mon cousin » (p.15). Quand meurt son père quelque temps après, commencent alors en « terre promise » les tribulations de Nadège. Dans ses cauchemars, une mystérieuse silhouette d’homme veut abuser d’elle ; aussi demande-t-elle la protection de Dieu. Ce « mari de nuit » ne pourra rien contre la jeune femme : « O Très Puissant, Très haut, Très Puissant, regarde ta fille chaque fois privée de sommeil (…) Qu’elle soit invisible et invulnérable aux attaques du diable Satan » (p.33). Nadège pardonne toutes les personnes qui l’ont maltraitée. Malgré toutes les agressions qu’elle a subies de la part d’Aïcha et son mari, elle ne leur tient pas rigueur, c’est une enfant de Dieu. Elle prie pour ceux et celles qu’ils l’ont aimée comme sa belle-mère et ses frères arrachés à la vie : « Père Tout puissant, n’oublie pas (…) Tu m’as arraché ma belle-mère (…) Dieu de l’univers, je te rappelle aussi que tu venais d’arracher la vie trois de mes frères » (p.210). Et de demander à Dieu de mettre fin à ses souffrances : « Oh ! Père ! Père bonté Oh ! Majesté ! Aie pitié de moi » (p. 210). Dieu habite Nadège car celle-ci ne peut rien sans lui. Quand, par des pratiques occultes, son beau-frère voudrait lui faire du mal, elle demande le secours de Dieu et son vœu sera exaucé. Aussi démontre-t-elle sa croyance en la puissance de Dieu qui peut la protéger dans la détresse quand elle s’adresse à lui.
« Une vie de brimades en terre promise », un texte polyphonique
Un roman où plusieurs réflexions au niveau du signifiant et du signifié peuvent être mises en valeur : les tribulations d’un vieux polygame, à l’instar du père de Nadège victime d’une infidélité de la part de sa plus jeune épouse ; le monde du travail ou le harcèlement sexuel qui s’y remarque, le monde des affaires ; le style de l’auteure avec des anagrammes des toponymies qui nous rappellent les deux pays de l’auteure comme « Rifaque » (p.162) pour Afrique, « Avillazerbaz » (p.169) pour Brazzaville, « Couramen » (p. 210) pour Cameroun et Gonoc (p.211) pour Congo. Des découvertes que l’on fait dans ce livre qui, comme la majorité des romans écrits par les femmes, épouse la subjectivité de l’auto-présentation de la narratrice intra-diégétique.
Avec ce livre qui lui ouvre les portes de la création littéraire, et avec un linéaire agréable qu’elle produit au cours de la lecture de son texte, Monique Alfred Ondze Abouem est déjà visée par la critique qui attend d’elle un nouveau roman qui la fera passer de la situation d’ « écrivante » à celle d’écrivaine accomplie. Comme l’ont fait déjà fait ses consœurs Emilie Flore Faignond, Ghislaine Sathoud et Marie Louise Abia, pour ne citer que ces trois écrivaines qui font la fierté de la littérature congolaise. Et son écriture est prometteuse.
Noël KODIA
Dernière enfant d’un vieux polygame avec une grande progéniture, Nadège Wallaby, à l’âge de six ans assiste, malgré elle, aux ébats sexuels de son père avec ses épouses, puisque dormant dans la même chambre que celui-ci. Sa mère, la plus jeune des épouses, cocufie son père. Son destin va subir un choc à la mort de ce dernier qui l’a confiée à sa grande sœur Aîcha, sa seconde mère, vu son âge avancé. Et tout le roman sera bâti sur les relations plus ou moins tendues et déchirantes entre les deux sœurs qui, par la volonté de Dieu qui habite le cœur de la cadette, vont se réconcilier à la fin, comme le voulait leur père.
Aïcha, une femme pas comme les autres, une femme sans cœur
Tout au long du récit, Nadège sera synonyme d’ « une vie de brimades en terre promise » du nouveau pays, où elles vont séjourner. Sur les bancs de l’école et même plus tard quand elle sera mère, Nadège, malgré quelques révoltes, ne peut s’échapper des supplices que lui infligent sa sœur et son mari. On a l’impression que tous les maux et malheurs qu’endure Nadège tout au long de sa cohabitation avec sa sœur sont provoqués par ce couple. Malgré l’amour qu’elle éprouve pour sa sœur aînée, Nadège ne récoltera que mépris, jalousie et haine de la part de celle-ci qui avait même brûlé son acte de naissance par cynisme. Aucun geste de sympathie envers sa cadette, sinon par intérêt. Elle refuse de la parrainer quand celle-ci arrive à avoir une promesse d’embauche. Elle se mêle aussi dans les problèmes sentimentaux de Nadège et pousse son sadisme au paroxysme en demandant à sa sœur de quitter l’homme qu’elle aime pour un autre plus riche. Et cela va se remarquer pendant la rencontre des deux familles : « La famille d’Aïcha détestait mon mari parce qu’il était sans travail, il n’avait rien (…) Aîcha me proposait de prendre comme mari le fils d’une de ses copines parce que c’était une famille riche » (p.164). Et tout au long du récit, le cynisme et le sadisme d’Aïcha vont se déporter aussi sur les enfants de Nadège ainsi que sur certains hommes qui auraient plus ou moins construire son bonheur.
Nadège, les hommes et son destin
Le destin de Nadège est traversé du début à la fin par l’image de l’homme dans toutes ses dimensions. Déjà enfant, elle est marquée par l’image de son père à travers ses ébats sexuels avec ses épouses. Un peu plus tard, elle subit à son tour une sexualité forcée de la part de l’homme. Elle violée par un de ses professeurs. Ce viol bouleverse sa vie d’enfant candide qui se transforme en « femme complète » malgré elle. C’est avec douleur qu’elle va porter prématurément une grossesse non désiré. A la puberté, Nadège endure un véritable martyre du sexe qui met fin à sa virginité : « D’une main ferme et résolue, il [le professeur] m’arracha le slip et me posséda avec la même brutalité. Après lui avoir mordu un doigt, je criai de douleur. Comme il était en plein orgasme, il ne se rendit pas compte que je perdais du sang. C’est après qu’il prit conscience qu’il venait de violer une fille vierge » (p.49). Peut-être pour avoir commis un acte ignoble, cet homme subira la « malédiction des cieux » en se retrouvant plus tard « dans un état piteux. Il a perdu la raison (…) déambule nu dans les rues de la ville » (p.199). Aucun homme dans le récit n’a rendu Nadège heureuse comme elle le souhaitait. Son amour d’enfance avec Verdrac ne va pas jusqu’au bout. Même quand plus tard, le garçon deviendra un homme riche, Nadège ne voudra pas cet amour qui se fonde sur l’argent et le matériel. Le père de ses enfants, Calvin qu’elle aime de tout son cœur, sera influencé par sa famille pour décevoir la jeune femme. Son beau-frère, un véritable bourreau à son égard. Quand son épouse s’en prend à sa cadette, l’homme se permet de battre cette dernière : « Son mari bondit alors sur moi, déchira mes vêtements et se mit à me frapper, presque nue. Il se mit à m’étrangler en disant que cette fois il fallait que je meure. » (p.68). Cet homme qui a fait tant souffrir sa petite belle-sœur, profitera de l’absence de sa femme pour vouloir paradoxalement coucher avec elle ; peine perdue. On peut dire que le véritable homme qu’elle a aimé dans sa vie, c’est son père quand elle était encore enfant et provoquait la jalousie de ses belles-mères.
Nadège habite Dieu et Dieu habite Nadège
Toute la vie de Nadège se greffe sur l’image de Dieu qu’elle implore à tout moment. Surtout dans ses moments de détresse. Habitée par Dieu, elle n’arrive pas à s’en prendre à tous ses agresseurs, en particulier à sa propre sœur Aîcha. Déjà à six ans, elle connait déjà l’appel de Dieu, comme elle l’affirme : « les dimanches, je me rendais à l’église accompagnée de bienvenu mon cousin » (p.15). Quand meurt son père quelque temps après, commencent alors en « terre promise » les tribulations de Nadège. Dans ses cauchemars, une mystérieuse silhouette d’homme veut abuser d’elle ; aussi demande-t-elle la protection de Dieu. Ce « mari de nuit » ne pourra rien contre la jeune femme : « O Très Puissant, Très haut, Très Puissant, regarde ta fille chaque fois privée de sommeil (…) Qu’elle soit invisible et invulnérable aux attaques du diable Satan » (p.33). Nadège pardonne toutes les personnes qui l’ont maltraitée. Malgré toutes les agressions qu’elle a subies de la part d’Aïcha et son mari, elle ne leur tient pas rigueur, c’est une enfant de Dieu. Elle prie pour ceux et celles qu’ils l’ont aimée comme sa belle-mère et ses frères arrachés à la vie : « Père Tout puissant, n’oublie pas (…) Tu m’as arraché ma belle-mère (…) Dieu de l’univers, je te rappelle aussi que tu venais d’arracher la vie trois de mes frères » (p.210). Et de demander à Dieu de mettre fin à ses souffrances : « Oh ! Père ! Père bonté Oh ! Majesté ! Aie pitié de moi » (p. 210). Dieu habite Nadège car celle-ci ne peut rien sans lui. Quand, par des pratiques occultes, son beau-frère voudrait lui faire du mal, elle demande le secours de Dieu et son vœu sera exaucé. Aussi démontre-t-elle sa croyance en la puissance de Dieu qui peut la protéger dans la détresse quand elle s’adresse à lui.
« Une vie de brimades en terre promise », un texte polyphonique
Un roman où plusieurs réflexions au niveau du signifiant et du signifié peuvent être mises en valeur : les tribulations d’un vieux polygame, à l’instar du père de Nadège victime d’une infidélité de la part de sa plus jeune épouse ; le monde du travail ou le harcèlement sexuel qui s’y remarque, le monde des affaires ; le style de l’auteure avec des anagrammes des toponymies qui nous rappellent les deux pays de l’auteure comme « Rifaque » (p.162) pour Afrique, « Avillazerbaz » (p.169) pour Brazzaville, « Couramen » (p. 210) pour Cameroun et Gonoc (p.211) pour Congo. Des découvertes que l’on fait dans ce livre qui, comme la majorité des romans écrits par les femmes, épouse la subjectivité de l’auto-présentation de la narratrice intra-diégétique.
Avec ce livre qui lui ouvre les portes de la création littéraire, et avec un linéaire agréable qu’elle produit au cours de la lecture de son texte, Monique Alfred Ondze Abouem est déjà visée par la critique qui attend d’elle un nouveau roman qui la fera passer de la situation d’ « écrivante » à celle d’écrivaine accomplie. Comme l’ont fait déjà fait ses consœurs Emilie Flore Faignond, Ghislaine Sathoud et Marie Louise Abia, pour ne citer que ces trois écrivaines qui font la fierté de la littérature congolaise. Et son écriture est prometteuse.
Noël KODIA
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