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La culture en deuil au Congo-Brazzaville. In memoriam : Jacques Loubélo et Léopold Pindy Mamonsono ne sont plus

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La culture en deuil au Congo-Brazzaville. In memoriam : Jacques Loubélo et Léopold Pindy Mamonsono ne sont plus
Congo, (Starducongo.com) - 2013, une année qui s’achève avec deux pertes incommensurables dans le monde de la culture congolaise : les valeureux et talentueux Jacques Loubélo et Léopold Pindy Mamonsono nous ont quittés respectivement les 25 septembre et 8 octobre 2013.

Emportés tous deux par la maladie dans un pays où la mort ne fait plus peur et où les soins de santé sont aléatoires malgré nos richesses, Jacques Loubélo et Léopold Pindy Mamonsono sont partis, laissant derrière eux une immense richesse constituée par leurs œuvres. Nous n’aborderons pas la discographie (1) de l’un et la bibliographie (2) de l’autre. Elles ont été tellement populaires, surtout au niveau des réseaux sociaux, que nous risquons de tomber dans la tautologie. Nous évoquerons plus la valeur kongo que ces deux hommes de culture ont su défendre dans leur vie de chansonnier et d’écrivain.

Jacques Loubélo, grand chantre de l’unité nationale

Jacques Loubélo, un véritable griot qui a su faire un mariage réussi des traditions des quatre points cardinaux des pays kongo-lari, téké, mbosi et vili. Jacques Loubélo, un grand monument de la chanson patriotique qui paradoxalement n’a pas été glorifié par la patrie. Comme par prémonition, il déclarait un jour à un haut responsable national : « Je ne voudrais pas d’une récompense à titre posthume si cela arrivait demain ». Et ce « demain » s’est abattu comme la foudre le 25 septembre 2013 sur l’homme de culture. Un rappel : déjà à la fin des années 50, en pur et véritable enfant de Ouenzé qui ne connait pas les frontières entre les ethnies de son pays, Jacques Loubélo est surpris par la méchanceté des acteurs politiques de son pays qui provoquent le premier séisme politique avec les émeutes de février 1959. Pour la première fois, il découvre l’antagonisme politique entre les peuples du nord et ceux du sud dans un pays d’à peine quelques milliers d’habitants à l’époque. Sa famille kongo est chassée de Ouenzé (quartier nord) pour aller trouver refuge à Bacongo (quartier sud). Mais Jacques Loubélo est un enfant congolais, au sens national du terme, comme tous les enfants des quartiers cosmopolites de Brazzaville (Ouenzé, Poto-Poto et Moungali). Il parle la majorité des langues du pays. C’est un enfant « national ». Et pour le prouver, une année après les tristes émeutes de février 1959, il compose, à l’âge de 19 ans, l’emblématique chanson « Congo » considérée de tout temps comme l’hymne à l’unité nationale car fredonnée en kongo-lari et lingala par bon nombre de Congolais, si ce n’est la majorité. Et cela pour recoudre le tissu social déchiré en 1959. Jacques Loubélo aurait été toujours fier de ses origines kongo-lari et téké, deux entités du pays ayant connu des royaumes dans l’histoire du Congo. De l’époque d’avant les indépendances à la démocratie pluraliste des années 90, Jacques Loubélo a vécu toutes les péripéties sociopolitiques de son pays. La confrontation Youlou-Opangault qui provoque les émeutes de février 1959. La Révolution des 13, 14 et 15 août 1963 qui balaie le pouvoir autocratique de Fulbert Youlou. Les dégâts causés par celle-ci au cours de la décennie 60 qui permettent au jeune Marien Ngouabi d’évincer Massamba-Débat. La mort énigmatique de ce dernier qui ouvre les portes du pouvoir à Denis Sassou Nguesso. Au cours de ces décennies, Jacques Loubélo a chanté son pays, son peuple en éduquant à travers ses chansons, des chansons à thème dont l’une intitulée « Na wo tsétsa mu ndéko nzadi» qui sera pillée par la célèbre sud africaine Myriam Makéba. Loubélo savait chanter presque dans toutes les langues du Congo, donc compris par une grande majorité des différentes couches sociales. Hélas, aucune distinction honorifique de la part des dirigeants de son pays dont il a suivi le destin politique. L’artiste a chanté tous les héros légendaires du pays : André Matswa, Tâ Milongo, Tâ Mbiémo, Tâ Mbemba, Mabiala ma Nganga, Pierre Kinzonzi, Bouéta Mbongo, Mama Ngunga… et plus près de nous Marien Ngouabi. L’artiste a aussi chanté la Révolution des Trois Glorieuses. Il nous laisse une grande richesse culturelle qui, si nos hommes politiques pouvaient la considérer valablement, fortifierait notre unité nationale après les terribles secousses sociopolitiques de la décennie 90.

Léopold Pindy Mamonsono : un fort en gueule redouté par les universitaires congolais

Nous avions connu cet ancien professeur d’anglais quand nous commencions notre métier d’enseignant de français au lycée Emery Patrice Lumumba de Brazzaville en octobre 1976. Léopold Pindy Mamonsono, un homme qui n’a pas jamais gardé la langue dans sa poche, un intello au franc parler et incisif qui lui vaut des « attaques » de la part de certains universitaires qui vont maintenant lui faire des éloges hypocrites. Triste réalité de l’intelligentsia congolaise. Il a été le promoteur de la plupart des écrivains en herbe de l’époque, aujourd’hui confirmés dans leur statut d’écrivain. Par la presse écrite, au temps du journal « Mwéti », par l’audiovisuel avec les émissions « Panorama littéraire » à Radio Congo et « Autopsie » à Télé Congo, Léopold Pindy Mamonsono a valorisé la littérature congolaise. Il aura réussi là où des universitaires, avec leur « gros français », ont échoué. Léopold Pindy Mamonsono a représenté la littérature congolaise et celle des autre pays limitrophes à travers la planète en tant que président de l’Association des écrivains de l’Afrique centrale. Il n’a jamais éprouvé le moindre complexe vis-à-vis des universitaires qui le sous-estimaient avec leurs parchemins universitaires de France, confondant malheureusement instruction et culture. Pindy Mamonsono était un homme de grande culture et avait aussi publié énormément. Il liait la critique à la création littéraire. « L’art est difficile, la critique aisée » me rappelait-il toujours lors de nos rencontres à Brazzaville et à Paris. Aussi, était-il mon avocat à la présentation de mes deux ouvrages, le « Dictionnaire des œuvres littéraires congolaises » à Brazzaville en août 2010 à l’occasion des 50 ans de l’indépendance du pays et « Réflexions et démocratie pluraliste au Congo-Brazzaville » en août 2013 à Kinkala lors de la célébration du 52è anniversaire de la fête nationale. A ces occasions, Pindy Mamonsono tirera à boulets rouges sur certains universitaires, imbus de leur personne, qui avaient la fâcheuse manie de confondre séance de dédicace de livre et soutenance de mémoire. Tous les grands noms de la littéraire congolaise ont connu le domicile de Pindy Mamonsono avec son Centre culturel congolais. Sony Labou Tansi, Jean Baptiste Tati Loutard, Sylvain Ntari Bemba, Antoine Létembet Ambily, Tchichélé Tchivéla, Tchicaya U Tam’Si, Emmanuel Dongala et Henri Lopes sont parmi les grands écrivains que nous avions eu à rencontrer aux côtés de Pindy Mamonsono dans l’exercice de ses fonctions de président des écrivains congolais dans les décennies 80 et 90. Dans la promotion des jeunes écrivains congolais, on lui doit la « Biobibliographie des écrivains congolais » éditée à Brazzaville et « La Nouvelle génération de poètes congolais » éditée en Allemagne en 1984. Homme d’action animé par une ambition constructive, on lui doit aussi la rencontre des écrivains contre l’Apartheid au pays de Mandela à Brazzaville en 1987, événement culturel qui lui donne l’occasion de publier quelques années après l’ « Anthologie universelle de poésie anti apartheid » aux éditions Maguilen.

Jacques Loubélo, Léopold Pindy Mamonsono, deux immortels culturels

Ces deux grandes personnalités congolaises et même africaines au niveau de la création artistique, sont parties « sans réellement partir ». Elles nous laissent un patrimoine culturel inestimable à travers leurs œuvres, richesse que nous devons pérenniser pour les générations à venir. Car celles-ci devraient comprendre la chanson patriotique et la littérature de leur pays. Du côté de Jacques Loubélo, la relève est presque assurée par la génération des jeunes artistes, surtout de la diaspora, comme Jackson Babingui et Hardos Massamba dont le dernier opus intitulé « Kongo di kongoné » reprend « Mpasi zô ntama za tuka» de Jacques Loubélo, une preuve indéniable de l’immortalisation de ce dernier. Quant à Léopold Pindy Mamonsono, les graines semées dans les décennies 70 et 80 ont presque toutes germées. Aujourd’hui les écrivains tels Caya Makhélé, Marie Léontine Tsibinda Bilombo, Liss Kihindou, Noël Kodia-Ramata… immortalisent son dévouement pour la promotion des jeunes écrivains.
Aussi, allons nous terminer notre témoignage sur ces deux monuments de la culture congolaise par ces vers du poète Huppert Malanda tirés de ses sublimes « Paradis perdus », nous citons : « Je suis de cette nation sainte farce Marie / de ces carnets d’outre-siècle / où la mort est une trahison du Christ / de ce pays nécrophage / qui frisonne à 42 degrés de fièvre ».
Ô Seigneur ! Ô Tâtâ Nzambi, Kani bwé ? Qu’est ce qui nous est arrivé ?

Noël KODIA,
Essayiste et critique littéraire du Congo-Brazzaville


(1) Discographie de Jacques Loubélo
Morobé, Ntima louaka, Congo, Ya Samba, Mutampa, Kongo, Akolombo, ,Ngando, Lubuka, Na wo tsetse mu ndéko nzadi, Mpasi zö tama zatuka, Ya kuti, etc
(2) Œuvres poétiques de Léopold Pindy Mamonsono
Écho (1978), Light-Houses (1978), Héros dans l’ombre (Éditions littéraires congolaises, Brazzaville, 1979), Angoisses I (1982), Angoisses II (1982), Équinoxes (préface de Dominique Ngoïe Ngalla, 1982), l’Anthologie universelle de poésie anti-apartheid (Editions Maguilen, Dakar, 1991), La Vie (1999), Heurts et splendeurs, poèmes miroirs (1998).

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