«Le président Sassou, de par son âge et les deux mandats passés à la tête de l'Etat, est disqualifié pour 2016. Malheureusement, il a engagé une démarche pour un passage en force pour avoir un 3ème mandat, nous lui demandons de venir au dialogue pour lui permettre de sortir dans la paix.»

Au Congo-Brazzaville, au gouvernement et à l'Assemblée nationale, plusieurs voix s'élèvent en faveur d'une révision de la constitution. Est-ce le signe que le président Sassou Nguesso est tenté de briguer un troisième mandat en 2016, ce que la loi fondamentale lui interdit pour l'instant ?
De 1997 à 2002, Mathias Dzon a été ministre de l'Economie et des Finances. Aujourd'hui, il est dans l'opposition et préside l'ARD, l'Alliance pour la république et la démocratie. En ligne de Brazzaville, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Le collectif des partis de l’opposition affirme que plusieurs leaders politiques ont de plus en plus de mal à circuler. Est-ce que c’est votre cas ?
Mathias Dzon : Oui, c’est mon cas. Après l’arrestation de Marcel Ntsourou, le 16 décembre, le 18 je devais voyager, je devais me rendre à Paris pour passer les fêtes du Nouvel an et de fin d’année avec les enfants, comme je fais depuis 25 ans, et à l’aéroport on m’a signifié que je ne pouvais pas voyager.
Et depuis cette mésaventure est-ce que vous pouvez circuler plus facilement ou pas ?
Non. Je suis à Brazzaville. Je ne peux aller ni à l’intérieur du pays ni à l’extérieur. Je suis à Brazza.
A l’origine de cette crispation il y a l’affaire Ntsourou, dites-vous, l’affaire Ntsourou du nom de cet ancien numéro 2 des services de sécurité qui a été arrêté à son domicile de Brazzaville le 16 décembre 2013, au terme d’un accrochage meurtrier. Le colonel Ntsourou est considéré par la justice congolaise comme le principal responsable de l’explosion de Mpila qui a fait près de 300 morts le 4 mars 2012. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Le pouvoir a toujours raconté ça. Mais moi je n’y crois pas du tout. Jusqu’à présent, la vérité n’est pas encore établie. Moi j’ai proposé la formation d’une commission d’enquête internationale.
Dans un premier temps, en septembre dernier, le colonel Ntsourou a été condamné à 5 ans de prison avec sursis. Puis dans un second temps il y a trois semaines, il a été condamné en cassation à 5 ans de prison ferme. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Vous savez, chez nous il n’y a pas de justice. Ça, ce sont les décisions impériales des chefs. Qu’il soit condamné avec sursis ou ferme, tout ça ce sont des décisions qui sont prises au sommet. Dans ce pays, le pouvoir fait le beau temps et la pluie. Le magistrat fait la volonté de l’homme politique.
Mais est-ce qu’à vos yeux le colonel Ntsourou est l’un des responsables du drame du 4 mars 2012?
Je ne peux pas l’affirmer, il n’y a jamais eu d’enquête sérieuse sur ce drame-là.
Autre sujet de débat, la présidentielle de 2016. Au terme de la Constitution, le président Sassou-Nguesso ne peut pas se représenter. A la fois parce qu’il aura fait les deux mandats maximum et parce qu’il aura atteint la limite d’âge. Est-ce que vous pensez qu’il va se conformer à la loi fondamentale ?
Comme vous dites, la Constitution lui interdit de se présenter sur deux plans ; sur le plan de l’âge il aura plus de 70 ans, sur le plan des mandats, il aura fait son dernier mandat. Pour cela, il ne peut pas se représenter. Mais malheureusement, le président Sassou a engagé une démarche pour passer en force et avoir un troisième mandat. Comme vous avez dû l’apprendre, il corrompt des paysans ici et là dans les départements, sur le prétexte que ce sont des sages pour obtenir d’eux qu’ils proclament que le président Sassou mérite un troisième mandat. Mais ce sont de faux sages qui n’ont rien à voir avec notre peuple. Mais compte tenu du fait qu’il a acheté beaucoup d’armes, il a recruté beaucoup de mercenaires, son forcing risque de mal se terminer. Alors nous lui demandons de venir au dialogue pour lui permettre de sortir dans la paix. Il a fini, il doit partir.
Alors pour l’instant, le président Sassou lui-même ne s’exprime pas. Est-ce que vous êtes certain qu’il va essayer de s’accrocher à ce fauteuil ?
Mais c’est ce qu’il est en train de faire. Il envoi son parti, ses responsables. Le président de l’Assemblée nationale, instruit par le président Sassou, va déclarer qu’il faut un troisième mandat pour le président Sassou. Le président de l’Assemblée nationale Justin Koumba avec le ministre des Affaires domaniales, Pierre Mabiala, s’ajoute à eux le ministre d’Etat à l’Industrie Isidore Bvouba. C’est lui qui les envoie !
Alors c’est vrai que les ministres Pierre Mabiala et Isidore Mvouba proposent de toucher à la Constitution. C’est vrai que le président de l’Assemblée Justin Koumba, demande de ne pas hésiter à envisager le changement de la Constitution. Mais pour l’instant, le président Sassou répond : « J’écoute tout ce que vous dites, bon ou mauvais. Un jour viendra où je vais décider. Une seule hirondelle ne fait pas le printemps ».
Oui, on a entendu ça, mais nous le connaissons très bien. Il les pousse à faire ça. Et puis à un moment donné, s’il voit que la tendance commence à prendre avec les intimidations, la répression, alors il va sauter pour dire : « bon alors, pour la paix, pour les chantiers déjà ouverts, je réponds favorablement à l’appel du peuple, je vais modifier la Constitution ». Voilà ce qu’il veut faire ! Et à ce moment-là, ça va être l’explosion généralisée parce que les Congolais sont contre ! Qu’est-ce qu’il peut faire en sept ans supplémentaires, alors qu’il a passé 32 ans à la tête du pays ? Regardez le faux recensement qu’il vient de faire là.
C'est-à-dire que vous voulez un nouveau recensement ?
Mais bien sûr, celui qu’il vient de faire, ce n’est pas un recensement. C’est du n’importe quoi ! Le président Sassou a minimisé l’électeur dans les zones les plus peuplées qui lui sont réputées défavorables et il a gonflé le nombre d’électeurs dans les zones moins peuplées et qui lui sont réputées favorables. Parce qu’il vise deux objectifs : avoir un corps électoral qui lui permette de faire passer la modification de la Constitution à la faveur d’un référendum truqué. Et le deuxième objectif c’est se faire réélire à la tête de l’Etat en 2016 avec ce corps électoral truqué. Sinon, s’il n’était pas intéressé, pourquoi faire un faux recensement ?
Congo-Brazzaville, Congo-Kinshasa, Rwanda, Burundi. Aujourd’hui, il y a quatre pays de la sous-région où le président est tenté de modifier la Constitution pour rester aux commandes. Est-ce que vous craignez que ces quatre chefs d’Etat ne se soient donné le mot et ne se soutiennent les uns les autres dans leurs démarches ?
Je mets à côté le cas de la RDC, puisque le ministre porte-parole du gouvernement a souvent répété que le président Kabila ne se représentera pas. Alors on fait confiance à la déclaration officielle.
De Lambert Mendé ?
Oui, on lui fait confiance. Au Burundi, nous avons vu officiellement le président Nkurunziza en train de se démener auprès de la Cour suprême pour demander la modification de la Constitution pour avoir un autre mandat. Le Rwanda, j’ai moins suivi. Mais chez nous, c’est de notoriété publique, dans ce groupe-là, le président Sassou est le chef de file qui encourage les autres. C’est pour ça que nous demandons l’organisation d’un dialogue national, qui nous permette de préparer les conditions d’une sortie paisible du président Sassou et de préparer les conditions d’une alternance pacifique.
Christophe Boisbouvier
De 1997 à 2002, Mathias Dzon a été ministre de l'Economie et des Finances. Aujourd'hui, il est dans l'opposition et préside l'ARD, l'Alliance pour la république et la démocratie. En ligne de Brazzaville, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Le collectif des partis de l’opposition affirme que plusieurs leaders politiques ont de plus en plus de mal à circuler. Est-ce que c’est votre cas ?
Mathias Dzon : Oui, c’est mon cas. Après l’arrestation de Marcel Ntsourou, le 16 décembre, le 18 je devais voyager, je devais me rendre à Paris pour passer les fêtes du Nouvel an et de fin d’année avec les enfants, comme je fais depuis 25 ans, et à l’aéroport on m’a signifié que je ne pouvais pas voyager.
Et depuis cette mésaventure est-ce que vous pouvez circuler plus facilement ou pas ?
Non. Je suis à Brazzaville. Je ne peux aller ni à l’intérieur du pays ni à l’extérieur. Je suis à Brazza.
A l’origine de cette crispation il y a l’affaire Ntsourou, dites-vous, l’affaire Ntsourou du nom de cet ancien numéro 2 des services de sécurité qui a été arrêté à son domicile de Brazzaville le 16 décembre 2013, au terme d’un accrochage meurtrier. Le colonel Ntsourou est considéré par la justice congolaise comme le principal responsable de l’explosion de Mpila qui a fait près de 300 morts le 4 mars 2012. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Le pouvoir a toujours raconté ça. Mais moi je n’y crois pas du tout. Jusqu’à présent, la vérité n’est pas encore établie. Moi j’ai proposé la formation d’une commission d’enquête internationale.
Dans un premier temps, en septembre dernier, le colonel Ntsourou a été condamné à 5 ans de prison avec sursis. Puis dans un second temps il y a trois semaines, il a été condamné en cassation à 5 ans de prison ferme. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Vous savez, chez nous il n’y a pas de justice. Ça, ce sont les décisions impériales des chefs. Qu’il soit condamné avec sursis ou ferme, tout ça ce sont des décisions qui sont prises au sommet. Dans ce pays, le pouvoir fait le beau temps et la pluie. Le magistrat fait la volonté de l’homme politique.
Mais est-ce qu’à vos yeux le colonel Ntsourou est l’un des responsables du drame du 4 mars 2012?
Je ne peux pas l’affirmer, il n’y a jamais eu d’enquête sérieuse sur ce drame-là.
Autre sujet de débat, la présidentielle de 2016. Au terme de la Constitution, le président Sassou-Nguesso ne peut pas se représenter. A la fois parce qu’il aura fait les deux mandats maximum et parce qu’il aura atteint la limite d’âge. Est-ce que vous pensez qu’il va se conformer à la loi fondamentale ?
Comme vous dites, la Constitution lui interdit de se présenter sur deux plans ; sur le plan de l’âge il aura plus de 70 ans, sur le plan des mandats, il aura fait son dernier mandat. Pour cela, il ne peut pas se représenter. Mais malheureusement, le président Sassou a engagé une démarche pour passer en force et avoir un troisième mandat. Comme vous avez dû l’apprendre, il corrompt des paysans ici et là dans les départements, sur le prétexte que ce sont des sages pour obtenir d’eux qu’ils proclament que le président Sassou mérite un troisième mandat. Mais ce sont de faux sages qui n’ont rien à voir avec notre peuple. Mais compte tenu du fait qu’il a acheté beaucoup d’armes, il a recruté beaucoup de mercenaires, son forcing risque de mal se terminer. Alors nous lui demandons de venir au dialogue pour lui permettre de sortir dans la paix. Il a fini, il doit partir.
Alors pour l’instant, le président Sassou lui-même ne s’exprime pas. Est-ce que vous êtes certain qu’il va essayer de s’accrocher à ce fauteuil ?
Mais c’est ce qu’il est en train de faire. Il envoi son parti, ses responsables. Le président de l’Assemblée nationale, instruit par le président Sassou, va déclarer qu’il faut un troisième mandat pour le président Sassou. Le président de l’Assemblée nationale Justin Koumba avec le ministre des Affaires domaniales, Pierre Mabiala, s’ajoute à eux le ministre d’Etat à l’Industrie Isidore Bvouba. C’est lui qui les envoie !
Alors c’est vrai que les ministres Pierre Mabiala et Isidore Mvouba proposent de toucher à la Constitution. C’est vrai que le président de l’Assemblée Justin Koumba, demande de ne pas hésiter à envisager le changement de la Constitution. Mais pour l’instant, le président Sassou répond : « J’écoute tout ce que vous dites, bon ou mauvais. Un jour viendra où je vais décider. Une seule hirondelle ne fait pas le printemps ».
Oui, on a entendu ça, mais nous le connaissons très bien. Il les pousse à faire ça. Et puis à un moment donné, s’il voit que la tendance commence à prendre avec les intimidations, la répression, alors il va sauter pour dire : « bon alors, pour la paix, pour les chantiers déjà ouverts, je réponds favorablement à l’appel du peuple, je vais modifier la Constitution ». Voilà ce qu’il veut faire ! Et à ce moment-là, ça va être l’explosion généralisée parce que les Congolais sont contre ! Qu’est-ce qu’il peut faire en sept ans supplémentaires, alors qu’il a passé 32 ans à la tête du pays ? Regardez le faux recensement qu’il vient de faire là.
C'est-à-dire que vous voulez un nouveau recensement ?
Mais bien sûr, celui qu’il vient de faire, ce n’est pas un recensement. C’est du n’importe quoi ! Le président Sassou a minimisé l’électeur dans les zones les plus peuplées qui lui sont réputées défavorables et il a gonflé le nombre d’électeurs dans les zones moins peuplées et qui lui sont réputées favorables. Parce qu’il vise deux objectifs : avoir un corps électoral qui lui permette de faire passer la modification de la Constitution à la faveur d’un référendum truqué. Et le deuxième objectif c’est se faire réélire à la tête de l’Etat en 2016 avec ce corps électoral truqué. Sinon, s’il n’était pas intéressé, pourquoi faire un faux recensement ?
Congo-Brazzaville, Congo-Kinshasa, Rwanda, Burundi. Aujourd’hui, il y a quatre pays de la sous-région où le président est tenté de modifier la Constitution pour rester aux commandes. Est-ce que vous craignez que ces quatre chefs d’Etat ne se soient donné le mot et ne se soutiennent les uns les autres dans leurs démarches ?
Je mets à côté le cas de la RDC, puisque le ministre porte-parole du gouvernement a souvent répété que le président Kabila ne se représentera pas. Alors on fait confiance à la déclaration officielle.
De Lambert Mendé ?
Oui, on lui fait confiance. Au Burundi, nous avons vu officiellement le président Nkurunziza en train de se démener auprès de la Cour suprême pour demander la modification de la Constitution pour avoir un autre mandat. Le Rwanda, j’ai moins suivi. Mais chez nous, c’est de notoriété publique, dans ce groupe-là, le président Sassou est le chef de file qui encourage les autres. C’est pour ça que nous demandons l’organisation d’un dialogue national, qui nous permette de préparer les conditions d’une sortie paisible du président Sassou et de préparer les conditions d’une alternance pacifique.
Christophe Boisbouvier
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