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La fatalité du destin dans Destin cruel de Ludovic Julien Kodia, entre expectative et prostration.

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Brazzaville, (Starducongo.com ) - Publié aux éditions Édilivre à Paris, le roman de l’écrivain congolais Ludovic Julien Kodia compte 113 pages, compartimenté en seize chapitres. Écrit dans un style concis et chronologiquement linéaire, ce roman soulève des problématiques actuelles, notamment celle relative à l’infécondité au sein d’un couple.
La fatalité du destin dans Destin cruel de Ludovic Julien Kodia, entre expectative et prostration.
Si le thème de la stérilité évoqué par Ahmadou Kourouma dans Les Soleils des indépendances tout comme par Mukala Kadima-Nzuji dans La Chorale des mouches (pour ne citer que ceux-là), instaure une nouvelle forme de pensée, penser la liberté sentimentale dans la mesure où l’amour est perçu comme un acte de liberté, il y a lieu de voir en cette postulation libertaire, un hommage consacré et mérité à la femme, définie comme le sens même de l’existence de l’homme en dépit de son infécondité procréatrice. C’est autant dire que la femme marginalisée à cause de son infécondité mériterait une considération autant que d’autres. C’est justement la thématique essentielle à laquelle s’abreuve ce roman de Ludovic Julien Kodia, intitulé Destin cruel. Mais qu’est-ce qui rend ce destin cruel ? Dans cette cruauté du destin et peut-être de l’existence, n’est-il pas là le lieu de voir une source d’espoir ?

En effet, ce roman relate l’histoire d’un couple d’universitaires sud-africains dont l’union est scellée par le lien religieux ; un couple d’élitistes unis en dépit de toutes formes de pensées régressives de l’existence qui les auraient conduit à la discorde si et seulement si le sens de la raison était supérieur à celui du cœur, il s’agit du mariage de Jonathan et Eléonore. Tous les deux enseignants après avoir fait leurs études en Angleterre. Très déterminés affectivement l’un vers l’autre, ils jouiront des délices d’un vrai amour, celui-là qui s’éloigne de l’indifférence, de la méfiance, pour enfin instaurer le dialogue et prôner la fidélité, puisqu’il en est question de l’amour au temps du bonheur et de crise, « pour le meilleur et pour le pire ». Le déchirement dans ce ménage partira du fait qu’Éléonore aurait une difficulté de concevoir, qu’à cela ne tint, ce bémol en revanche n’anéantira pas leur désir affectif et la dimension spirituelle de leur union. Eléonore multipliera des rencontres médicales avec de nombreux spécialistes gynécologues dans le monde, mais en vain, sa stérilité avait fait ses preuves. Elle sera autant malheureuse de réaliser à tel point l’absence de maternité serait au cœur du déshonore du couple, pis encore, elle sera humiliée un jour par ses propres étudiants à cause de cela. Au même moment, Jonathan connaitra une série noire avec ses parents, lesquels au grand jamais s’étaient opposés farouchement à une telle union improductive. Elle dut à cet effet autoriser Jonathan de combler ce vide de maternité sous une autre forme, tout simplement dans l’optique de le satisfaire et le rendre heureux ; malheureusement ce dernier avait cru en l’amour véritable et surtout marchait dans la crainte de son Dieu.
Jonathan est l’illustration même de l’époux véritable qui à en conscience toutes les promesses faites lors de la célébration de leur mariage, et à sa fidélité s’ajouta la crainte de Dieu, c’est pour cette raison qu’il s’opposera à l’idée de sa bien-aimée tout comme de ses parents de trouver refuge ailleurs ; sa foi demeura vivante sans être ébranlée. Les deux résisteront aux vents et marrais jusqu’au jour où le Bon Dieu opéra un miracle qui les réjouiront parfaitement et fortifieront davantage leur désir de s’aimer et de comprendre qu’ils avaient été faits là l’un pour l’autre. Eléonore accoucha de manière miraculeuse des jumeaux, chose que la médecine ne sut expliquer par rapport à son état normal, mais qui trouva sa raison d’être dans la religion. C’était donc la possibilité de l’impossibilité, tels les évangiles à travers l’histoire d’Abraham. Les jumeaux furent baptisés des noms de Cindy et Kindi, un grand témoignage de la patience amoureuse et de la puissance céleste.
Mais malheureusement ce bonheur de l’impossibilité pour la possibilité, grâce effectivement à la foi chrétienne, tel que nous l’affirme le narrateur, sera éphémère et chimère, car Eléonore mourra bien après l’accouchement. Jonathan sera donc confronté à un dilemme de type rabelaisien, du fait que d’une part, sa foi avait porté ses fruits et s’était concrétisé par la naissance de ses jumeaux et de l’autre part, son cœur était gagné par autant de tristesse et de deuil suite au décès de sa bien-aimée. Cela nous rappelle un passage de Gargantua, où il dut être partagé entre le rire de son fils né et les pleurs de suite de la mort de sa femme après naissance.
Ce roman à travers cette filiation littéraire avec l’œuvre de François Rabelais, notamment le dilemme qui ici s’énonce sous forme d’expectative et de prostration, montre à quel point l’existence humaine repose sur l’ambivalence, la binarité et le paradoxe. Il s’agit pour l’auteur de montrer à quel point la médecine présente des limites dont la religion serait la principale solution ; montrer en quoi la volonté de l’homme ne coïncide toujours pas avec la volonté divine ; montrer en quoi l’absence d’un enfant dans le couple, selon qu’il soit ancré dans la religion, ne constitue pas forcément un obstacle.
Ce livre rend compte des situations actuelles comme nous l’avons dit supra, et tente de redonner sens à la femme stérile, laquelle est très souvent défavorisée dans les sociétés africaines, au point d’être considérée au même titre qu’une sorcière. Car en dépit du fait qu’Eléonore ait été stérile, néanmoins elle jouissait d’un amour indéfectible de la part de Jonathan, qui, très croyant et fidèle aux principes de la vie conjugale selon les évangiles, vit par contre en cette stérilité, non pas une humiliation, mais plutôt une volonté divine.
À l’évidence, il faut voir en cette écriture de Ludovic Julien Kodia, un réalisme qui présente au lecteur des faits auxquels il s’identifie facilement. Car autant que ses roman « Mes larmes coulent en silence », et de « L’Amour à la haine, le serment trahi », ce roman s’articule autour du lien direct entre l’espoir et le désespoir, le clair et l’obscur, l’expectative et la prostration de l’existence, bref, tout se fonde sur le dilemme.

Rosin Loemba
Ecrivain et critique littéraire


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