Quantcast
Viewing all articles
Browse latest Browse all 6356

« L’arme » du référendum pourrait bien se retourner contre le président Sassou Nguesso…

France, (Starducongo.com) - En matière de référendum, le Congo-Brazzaville a connu sa première expérience le 28 septembre 1958. Le général de Gaulle alors président du Conseil, était arrivé à Brazzaville le 23 août 1958. Pressé par Barthélemy Boganda, il prononce le 24 août au stade Félix Eboué, un important discours en affirmant que : « Les territoires africains sont libres de refuser la communauté et de choisir l’indépendance, soit lors du référendum, soit ultérieurement »
Image may be NSFW.
Clik here to view.
« L’arme » du référendum pourrait bien se retourner contre le président Sassou Nguesso…
Le 28 septembre 1958, avec 99,1% de voix les Congolais avaient approuvé le projet de constitution du général de Gaulle, le score le plus élevé de toute l’Afrique noire. Un seul territoire la Guinée d’Ahmed Sékou Touré, avait voté « Non » à 98% et opté pour l’indépendance.

Le second référendum au Congo a eu lieu le 15 mars 1992. Malgré des balbutiements, des irrégularités, des fraudes et des bavures dans le recensement et dans l’établissement des cartes d’électeurs, faits prévisibles dans un pays où personne ne savait plus ce que voulait dire un scrutin démocratique, après 28 ans de dictature, le projet de constitution a été adopté par 96,32% des voix.
La troisième expérience remonte au 20 janvier 2002. C’est la loi des vainqueurs, qui s’arrogent la totalité des pouvoirs.
Le prochain référendum aura lieu avant le mois d’août 2016, pour changer la constitution et permettre au président Sassou Nguesso de briguer un troisième mandat, ce qui lui était interdit par la constitution du 20 janvier 2002.

Le référendum du 28 septembre 1958 avait pour raison, l’instabilité institutionnelle, l’impuissance de la 4ème République, face à l’insurrection algérienne déclenchée le 1er novembre 1954 qui a conduit le régime à une crise grave. Bon nombre de responsables politiques de tous bords ont soutenu le retour du général de Gaulle au pouvoir, dont le président René Coty lui même.
Le référendum du 15 mars 1992, était une conséquence de la chute du mur de Berlin en 1989, de l’éclatement de l’Union soviétique et de l’effondrement des régimes communistes en 1991. Les flammes salutaires de la liberté avaient atteint les régimes dictatoriaux en Afrique, dont celui du Congo-Brazzaville, qui est tombé sous le verdict populaire du peuple.
Le référendum du 20 janvier 2002, faisait suite à la guerre-civile de 1997 qui a ravagé le pays et détruit des milliers de vies humaines, en portant un coup d’arrêt fatal au processus démocratique engagé en 1991-1992.

Comme nous pouvons l’observer, une réforme constitutionnelle par référendum, fait généralement suite à une crise grave, à une instabilité chronique ou un conflit, fragilisant la stabilité des institutions politiques, la vie économique et sociale et la sécurité d’un pays. Or, les motifs qui conduisent le président Sassou-Nguesso à convoquer un référendum pour changer la constitution ne sont pas crédibles. Avec un taux de croissance de 5%, une manne pétrolière conséquente, la paix et la sécurité, le Congo est-il en crise ? Pourquoi changer de constitution alors que tout va bien ?

LE DEVELOPPEMENT D’UN PAYS EXIGE D’ABORD L’APPLICATION DES LOIS…
Les articles définissant les modalités de la révision ou de la modification de la constitution sont précis. Les articles 185 et 186 évoquent « la révision de la constitution » mais nullement « son abrogation ». L’abrogation de la constitution n’est pas prévue par la loi. En vertu de quelles lois le président de la République préconise-il l’abrogation de la constitution ? Le même article 185 dispose que : le nombre de mandat, limité à deux et l’âge, plafonné à 70 ans, ne peuvent faire l’objet d’une révision. Cette initiative de changement de la constitution apparait périlleuse pour le pouvoir.

Dirige-t-on un Etat de manière rigoureuse et rationnelle, en prenant au dernier moment, une décision aussi grave de conséquences que le changement de la constitution ?
Les risques de désordre, de dérives, de violence et d’insécurité évoqués par le président Sassou-Nguesso, lors de ses vœux à la Nation sur le débat sur la réforme des institutions, pourraient bien se produire si la constitution n’est pas appliquée. L’article 56 est clair : « Le président de la République veille au respect de la constitution et au fonctionnement régulier des institutions politiques ».

Pour l’année 2015, le président Sassou-Nguesso assure : « Qu’un travail acharné va se poursuivre pour le bien être du peuple congolais. Pour faire reculer le chômage les investissements publics seront renforcés. Les dépenses sociales seront prioritaires, des efforts supplémentaires seront consentis dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’énergie, des transports et de la lutte contre la pauvreté ».

Comment peut-on assurer le développement d’un pays, sans garantir d’abord l’application des lois et le respect de la constitution ? Cela est contradictoire. Partout dans le monde, là où le développement s’est construit et enraciné, comme dans les pays industrialisés du Nord, le respect et l’application des lois déterminent et accompagnent le progrès. Dans une démocratie, un Etat est gouverné par les lois et non par les humeurs d’un individu ou d’un clan. Cette initiative de changement de la constitution est une dérive autoritaire, qui déshonore le Congo-Brazzaville, affaiblie la démocratie et ternie l’image de l’Afrique noire.

CONCLUSION :
Le référendum est un instrument de la démocratie, qui permet au peuple, détenteur du pouvoir à l’origine, d’intervenir directement sur les grandes questions de société ou institutionnelles, en répondant par le vote à une question précise par « oui » ou « non ».
Cela signifie qu’en démocratie, le patron c’est le peuple. Le référendum peut aussi être détourné à d’autres fins, pour servir à consacrer la légitimité du président de la République et de sa politique. Malgré une rhétorique démocratique de façade, le pouvoir politique au Congo-Brazzaville est personnalisé et concentré depuis la fin de la guerre-civile de 1997. Le référendum prévu par le président Sassou-Nguesso pour changer la constitution, vise à plébisciter sans fin, son maintien au pouvoir. Cela est-t-il la volonté de la majorité du peuple congolais ?

b[Appolinaire NGOLONGOLO

Journaliste, écrivain

www.pagesafrik.info le rendez-vous des stars

Viewing all articles
Browse latest Browse all 6356

Trending Articles