RDC, (Starducongo.com) - Ancien expert de l’Unesco, le Pr. Armand Mavinga Tsafunenga voit dans les récentes actions du gouvernent de la RDC et du président Joseph Kabila des manigances ayant qu’une seule visée : garder à tout prix les rênes du pouvoir au-delà de 2016. Alors que « la République Démocratique du Congo est officiellement reconnue parmi les pays les plus pauvres de la planète », rappelle-t-il, le Président de la Coalition pour le changement en République Démocratique du Congo (3C-RDC) s’étonne de ce que « Monsieur Joseph Kabila et son gouvernement n’ont pas tiré des leçons des grands enjeux du XXIème siècle». Fervent croyant, le Pr. Armand Mavinga T. est également président national du Mouvement pour la paix et le développement du Congo (MPDC) et président du Centre d’études et de promotion de la culture et de la communication en Afrique (CEPROCOM). Entretien.
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Starducongo.com : Pr. Armand Mavinga Tsafunenga bonjour ! Les vœux présidentiels sont traditionnellement l’occasion pour les chefs d’Etat d’annoncer des décisions importantes pour l’avenir de leur pays. Selon vous, le Président Joseph Kabila en a-t-il fait ? Qu’est-ce qui vous aura particulièrement interpellé dans son discours ?
Armand Mavinga Tsafunenga: Bonjour Monsieur Alain Bouithy et merci pour cet entretien cordial. Permettez-moi de saisir cette occasion pour réitérer mes meilleurs vœux pour l’année 2015 à toute l’équipe de Star du Congo. Comme à l’accoutumée, le Président Joseph Kabila a présenté ses vœux au Peuple Congolais qui continue de souffrir et de vivre dans la misère la plus indescriptible. C’est devenu un exercice non crédible du fait de beaucoup d’annonces qui ne se concrétisent jamais et de la misère sociale qui ne cesse d’accroître. Ce qui m’a interpellé dans son discours, c’est l’annonce de l’organisation en 2015 des élections locales, municipales et provinciales ainsi que du recensement. Il y a en outre la mise en place du Gouvernement dite abusivement de « cohésion nationale ». Il n’a pas répondu aux vraies questions que se pose le peuple congolais quant à son avenir incertain avec le pouvoir actuel. C’est curieux qu’en 2006 et 2011, Monsieur Joseph Kabila et les siens n’avaient pas besoin d’organiser les élections locales et municipales, base de départ du processus électoral. En 2006 et 2011, ils n’avaient pas besoin de recensement de la population pour organiser les élections. Le peuple congolais n’est pas naïf. Ils trouvent normal que les sénateurs se tapent gratuitement un nouveau mandat de 5 ans sans avoir été élus. Etant au pied du mur avec la fin de son mandat en 2016 et dont le problème de manque de légitimité ne sera jamais résolu, il veut nous entrainer dans un processus électoral injuste, déséquilibré et périlleux dont l’objectif caché est de rester de force au pouvoir au-delà de 2016. Les préalables de bonnes élections locales, municipales et provinciales en 2015 ne sont pas du tout réunis. Dans le contexte actuel de corruption généralisée, d’insécurité, de manque de vision claire, pertinente et transparente, et de clientélisme politique, financier et économique, ces élections, si elles auront lieu, seront un processus de nomination politique par le pouvoir en place et une ouverture à une grave crise congolaise savamment préparée pour le statu quo. Le Gouvernement mis en place est un non événement, car la majorité présidentielle est elle-même un groupe incohérent et accidentel des intérêts. Il s’agit donc d’un gouvernement d’incohésion nationale, d’opportunisme, des intérêts croisés et de statu quo qui n’accomplira pas les grandes missions qui lui sont assignées, mais sera en déphasage total avec la volonté populaire. Je n’insisterai pas faute de temps sur la publicité du gouvernement autour d’une bonne croissance économique. Il s’agit là d’une croissance exogène, notamment dans le secteur minier qui est illisible dans le budget de l’Etat, qui n’a aucun impact sur l’amélioration des conditions de vie de Congolaises et Congolais. Au demeurant, il n’y a plus de secret pour personne, la République Démocratique du Congo est officiellement reconnue parmi les pays les plus pauvres de la planète. Monsieur Joseph Kabila et son gouvernement n’ont pas tiré des leçons des grands enjeux du XXème siècle, et ignorent encore les grands enjeux du XXIème siècle qui reconfigurent brutalement notre destin et risquent de briser nos efforts de vivre ensemble et de bien vivre ensemble.
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« Nous entrons dans un processus
très visible de dictature et le pire est à venir ».
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Starducongo.com : 2015 sera marquée justement par l’organisation des élections locales, municipales et provinciales ainsi que le démarrage des opérations de recensement de la population, a rappelé le Président Kabila. Comprenez-vous toutes les tensions naissantes autour de ces rendez-vous?
Réagissant à votre question sur le message de vœux du Président Joseph Kabila, j’ai essayé déjà d’aborder votre question. Les tensions autour de ces rendez-vous sont justifiées, car le contexte dans lequel se préparent ces rendez-vous inspire la méfiance de la population, des acteurs de l’opposition, de la société civile, des résistants et de la diaspora mobilisés pour un vrai changement de direction à la tête de la République Démocratique du Congo. Au demeurant, nous entrons dans un processus très visible de dictature et le pire est à venir. La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), de par sa conception, sa composition et son fonctionnement, reste encore un organe dépendant du pouvoir en place. Il faut son nettoyage global. L’accélération curieuse du découpage territorial en 26 provinces vient renforcer les faiblesses administratives, financières et techniques. La République Démocratique du Congo risque de vivre un chaos d’une mise en place précipitée d’une décentralisation sans en avoir jeté au préalable des bases profondes et inébranlables de notre bien vivre ensemble. Il nous faut trouver une approche juste et intégrée de la décentralisation. Il n’y a pas de doute possible que le recensement tel que soutenu par le pouvoir actuel vise à permettre à Monsieur Joseph Kabila de trouver des alibis pour prolonger son mandat et de créer des conditions clientélistes et forcées de son remplacement. Le peuple congolais ne l’acceptera pas. Le recensement en soi n’est pas une mauvaise chose. Quelles seront les stratégies de recensement à l’est du pays où plus de 3000.000 de personnes sont déplacées de force et des milliers de mercenaires et rebelles étrangers occupent notre territoire ? Le recensement de la population devra s’insérer dans le plan global de développement et de sécurisation du pays du pouvoir qui succédera au pouvoir actuel. Pour être efficace et pertinent, le recensement est un processus coûteux et à moyen terme, devant se consolider dans le long terme.
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« Monsieur Joseph Kabila doit partir
à la fin de son mandat contesté en 2016. »
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Starducongo.com : On a beaucoup parlé de Constitution durant l’année écoulée. Pensez-vous qu’on en a un peu trop fait ? Certains déplorent que des sujets tout aussi importants voire préoccupants pour le citoyen lambda aient été délaissés au profit de cette question. Quel sens donnez-vous à cette réaction ?
C’est vrai que l’année écoulée a été marquée par des agitations autour de la modification de la Constitution, notamment en ce qui concerne l’article 220 qui est verrouillé. Aux termes de cet article, Monsieur Joseph Kabila doit partir à la fin de son mandat contesté en 2016. Cette pression pour le respect de la Constitution est nécessaire et est même relayée au niveau de la communauté internationale. La Constitution doit cesser d’être un règlement d’ordre intérieur d’un pouvoir amendable à souhait et à tout moment. La Constitution doit être un véritable fruit du génie d’un peuple pour sa sacralité. C’est ce qui fait défaut à notre Constitution actuelle. Cette lacune sera corrigée dans le cadre de ma vision du Grand Congo du XXIème siècle. Quand des dirigeants sont incapables de changer positivement la vie de leur peuple, ils cherchent des stratégies pour les distraire, les conduire dans l’obscurantisme et surtout de les opposer les uns avec les autres en utilisant même certaines fibres identitaires. Votre interrogation est pertinente, car le vrai débat sur la maîtrise de notre destin commun n’a pas eu lieu. C’est le travail qu’essaient de développer la 3C-RDC et le MPDC sous ma conduite. Il aboutira bientôt.
Starducongo.com : En tant que responsable politique et associatif, quel commentaire vous inspire aujourd’hui la situation des Congolais de la RDC en général et de jeunes en particulier qui s’éloignent de plus en plus de leur pays pourtant très riche ?
La situation de Congolais de la République Démocratique du Congo en général et de jeunes en particulier est catastrophique aujourd’hui, mais je reste optimiste quant à leur avenir. Le chômage ravage la population congolaise notamment les jeunes. C’est un fléau auquel il faut s’attaquer d’urgence, car les jeunes constituent la majorité de notre population. Désespérés, les jeunes tournent leur espoir vers l’extérieur. Dans une étude que j’ai effectuée dans les années 80 et début 90, dans le cadre du programme « Jeunesse, médias et développement culturel » (JEMEDEC) du CEPROCOM, alors Centre d’étude des problèmes de la communication, les résultats étaient sans équivoque : plus de 70% de jeunes avaient déjà une vision exogène de la vie, du bien vivre, bref du développement selon le modèle occidental. En face, nous n’avons pas proposé à cette jeunesse un grand rêve congolais. Avec l’aggravation de la crise actuelle et le désespoir au pays, des jeunes ne peuvent qu’être attirés par l’envie de l’exode. Mais aujourd’hui, un élan nouveau se met en place dans la mesure où des jeunes Congolais à l’étranger, dits « Bana ya bilaka » ou « les Enfants de la promesse », tiennent à rentrer pour bâtir leur pays. Il faut investir à long terme dans l’éducation, la culture et la recherche pour la jeunesse. C’est le sens qu’il faut donner à notre programme transversal dénommé « Priorité Enfant » et au « Catéchisme de l’emploi de la jeunesse sur 30 ans » au Congo, développés par le MPDC. Ma vision du Grand Congo du XXIème siècle est un grand rêve et une réponse appropriée aux grands défis de la jeunesse congolaise dans ce siècle qui reconfigure le monde. Si tu ne sais pas rêver l’irréel, tu ne peux pas créer le réel.
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« Le gouvernement
dit de cohésion nationale n’en est pas une. »
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Starducongo.com : A propos du gouvernement dit de « cohésion nationale » mis en place depuis quelques mois, beaucoup de choses ont été dites sur cette formation et la manière dont elle a été formée. Diriez-vous qu’elle convient à la situation actuelle de la RDC ?
Le gouvernement dit de cohésion nationale n’en est pas une. Il y a un simple ramassage de quelques opposants pour colorer la table. Les opposants crédibles ont refusé de faire partie de ce gouvernement. Dans sa nomenclature, le Ministère chargé des Affaires Sociales n’est pas repris dans ce gouvernement. Qu’est-ce à dire pour le social ? Le peuple congolais ne croit pas non plus à ce gouvernement et souhaite le départ rapide de Monsieur Joseph Kabila du pouvoir en 2015 pour redémarrer son pays. Il importe aussi de souligner que le Président est lui-même le premier élément d’incohésion nationale, car il a été élu en 2011 sur la base des élections frauduleuses et criminelles. Le deuil national de ces élections n’a jamais été organisé. Le manque de légitimité de son pouvoir n’a jamais été résolu. C’est ainsi que beaucoup de forces politiques ont exigé la tenue d’un dialogue politique national inclusif duquel devait sortir un gouvernement d’union nationale devant définir la feuille de route globale et pertinente jusqu’à l’organisation de toutes les élections dont l’élection présidentielle en 2016. Ces forces politiques se fondent sur l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et la résolution 2098 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Quand un Président de la République prend un an pour former un gouvernement, ce que la cohésion nationale est absente. En outre, ce n’est pas en récupérant ma vision, quand il cite notamment Béatrice Kimpa Vita, Simon Kimbangu et Laurent-Désiré Kabila dans son discours de lundi 15 décembre 2014 devant le Congrès, qu’il deviendra grand.
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« Le fleuve Congo a toujours refusé
d’être considéré comme un mur qui nous sépare. »
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Starducongo.com : Les relations entre la RDC et le Congo ont été brouillées l’année dernière suite à l’opération « Mbata ya ba kolo ». Plusieurs résolutions ont été prises pour baisser la tension et éviter qu’une telle crise se répète. Pensez-vous qu’elles aient réussi à régler définitivement cette crise ? Comment voyez-vous l’avenir des relations entre ces deux pays voisins ?
Cette seule question peut m’amener à écrire un livre à ce sujet, tant ce qui s’est passé est grave dans l’histoire de nos deux pays siamois. Cette crise est grave parce que nous avons oublié qui nous sommes et ce que nous devons être. Et c’est plus grave pour les dirigeants de ces deux pays. C’est une conséquence de notre échec de bâtir de notre mieux vivre ensemble. D’où vient cette tension ? Est-elle une maladie imaginaire ? Non. Les générations présentes et futures établiront un vrai procès au nom de la dignité humaine et de la justice. Cette crise est le signe de la perte de notre fondement de « Muntu ». Cette crise profonde nécessite l’utilisation des instruments appropriés de l’éducation et de la culture pour proposer des approches politiques qui unissent nos deux peuples appelés à être un Grand Peuple Congolais. Le fleuve Congo a toujours refusé d’être considéré comme un mur qui nous sépare. Mais par sa splendeur, il a toujours voulu être le chemin de notre destin commun. Les relations de nos deux pays doivent être les relations du « Muntu ».
Starducongo.com : L’épidémie Ebola, les guerres ethniques et religieuses et le terrorisme ont dominé l’actualité africaine en 2014. Pensez-vous que l’année 2015 sera meilleure pour le continent ?
En tant qu’humaniste, j’ai toujours été optimiste et réaliste. Demain il ne faut pas l’attendre, mais il faut l’inventer. L’année 2015 sera ce que nous aurons fait d’elle, en dépit de certains paramètres difficiles à maîtriser. Comme je l’avais écrit en 1996 et 1997, le troisième millénaire, millénaire de la justice, est le millénaire de l’Afrique et les deux premières décennies du XXIème siècle seront capitales pour notre continent. Il faut une mobilisation sans précédent de l’Afrique et j’appuie le programme ambitieux de l’Union Africaine jusqu’à 2063. Tous ces défis que vous relevez deviennent une préoccupation internationale. Je salue en passant les performances des experts congolais dans les efforts de maîtrise du virus Ebola. Face au terrorisme fondé notamment sur des considérations religieuses absurdes, l’Afrique, berceau de l’humanité, a le devoir de redevenir le poumon spirituel de l’humanité pour nous sortir de cette grave crise.
Starducongo.com : Vous êtes attentif à l’actualité culturelle de votre pays. Nombreux observateurs parlent de régression d’un secteur autrefois bouillonnant. Quel est votre avis sur la question?
La culture est un secteur important, surtout pour un ancien expert de l’Unesco en matière de culture et de communication que je suis. La culture est encore de nos jours considérée comme un simple domaine connexe, alors que les industries créatives ou culturelles occupent aujourd’hui une place importante dans les économies avancées. Cette régression est palpable et se lit dans le budget du Ministère de la Culture. Il y a un problème de vision et de volonté politique. Il convient de noter une carence d’une grande politique culturelle ambitieuse, suite à une petite et mauvaise vision de la culture. Comme l’a souligné Monsieur Colin MERCER dans le rapport de la Commission mondiale de la culture et du développement de l’Unesco, intitulé « Notre diversité créatrice », publié en 1996 à Paris, « Le plus grand problème auquel nous devons faire face, dans le domaine de la politique culturelle, ne provient pas, je le crois, d’un manque de ressources, d’un manque de volonté, d’un manque d’engagement, ni même d’un manque de coordination des politiques à ce jour. Il provient plutôt d’une mauvaise appréhension ou même d’une formulation et d’une reconnaissance incomplète de l’objet même de nos réflexions : la culture. » La culture est importante, la 3C-RDC et le MPDC proposent un grand Ministère de la Culture et de l’Orientation Nationale.
Starducongo.com : Vous êtes également très actif sur la scène politique. Armand Mavinga Tsafunenga serait-il candidat au suffrage universel ?
Ce n’est plus un secret pour personne que je suis candidat à l’élection présidentielle de 2016. Cela a été annoncé dans de grands médias et je le confirme auprès de Star du Congo. C’est un problème de principe républicain, tout en étant engagé dans la réflexion sur les conditions préalables pour des élections justes, crédibles et transparentes en République Démocratique du Congo. 2016 c’est demain matin et demain se prépare aujourd’hui. Ma candidature est aussi une demande populaire. En effet, les Congolaises et Congolais, toutes tendances confondues, ont adopté le 1er juin 2013 une déclaration à Cologne en Allemagne où il demandait à tout le peuple congolais de se mobiliser autour de ma vision du Grand Congo du XXIème siècle pour sa sortie de la longue crise multiforme. Il s’agit donc d’une attente forte pour que je prenne en main leur destin. C’est depuis le 11 juillet 1991 que je me prépare à assumer et à changer le destin de mon peuple. Je peux vous dire aujourd’hui que je suis prêt à relever les grands défis qui m’attendent pour changer le destin du peuple congolais. Comme je l’avais souligné dans plusieurs médias, je suis candidat à l’élection présidentielle pour devenir le Président de la République attendu par le Peuple Congolais dans ses pleurs et prières avec la grâce de Dieu. Par mon engagement, j’entends réconcilier le peuple congolais avec Dieu, avec lui-même, avec son sol, son sous-sol, son espace et ses ancêtres, ainsi qu’avec les peuples voisins et du monde entier. J’entends aussi être une solide charnière entre l’ancien Congo, Congo du plus grand holocauste après la seconde guerre mondiale, qui se termine avec le pouvoir de Joseph Kabila, et le nouveau Congo qui débute très bientôt sous ma présidence. En tant qu’humaniste, j’aspire à une société fraternelle où chacun, reconnaissant en chaque autre un autre lui-même, se sent solidaire de tous. Une fois de plus merci beaucoup Monsieur Alain Bouithy pour votre entretien.
Starducongo.com : C’est nous qui vous remercions !
Propos recueillis par Alain Bouithy
Armand Mavinga Tsafunenga: Bonjour Monsieur Alain Bouithy et merci pour cet entretien cordial. Permettez-moi de saisir cette occasion pour réitérer mes meilleurs vœux pour l’année 2015 à toute l’équipe de Star du Congo. Comme à l’accoutumée, le Président Joseph Kabila a présenté ses vœux au Peuple Congolais qui continue de souffrir et de vivre dans la misère la plus indescriptible. C’est devenu un exercice non crédible du fait de beaucoup d’annonces qui ne se concrétisent jamais et de la misère sociale qui ne cesse d’accroître. Ce qui m’a interpellé dans son discours, c’est l’annonce de l’organisation en 2015 des élections locales, municipales et provinciales ainsi que du recensement. Il y a en outre la mise en place du Gouvernement dite abusivement de « cohésion nationale ». Il n’a pas répondu aux vraies questions que se pose le peuple congolais quant à son avenir incertain avec le pouvoir actuel. C’est curieux qu’en 2006 et 2011, Monsieur Joseph Kabila et les siens n’avaient pas besoin d’organiser les élections locales et municipales, base de départ du processus électoral. En 2006 et 2011, ils n’avaient pas besoin de recensement de la population pour organiser les élections. Le peuple congolais n’est pas naïf. Ils trouvent normal que les sénateurs se tapent gratuitement un nouveau mandat de 5 ans sans avoir été élus. Etant au pied du mur avec la fin de son mandat en 2016 et dont le problème de manque de légitimité ne sera jamais résolu, il veut nous entrainer dans un processus électoral injuste, déséquilibré et périlleux dont l’objectif caché est de rester de force au pouvoir au-delà de 2016. Les préalables de bonnes élections locales, municipales et provinciales en 2015 ne sont pas du tout réunis. Dans le contexte actuel de corruption généralisée, d’insécurité, de manque de vision claire, pertinente et transparente, et de clientélisme politique, financier et économique, ces élections, si elles auront lieu, seront un processus de nomination politique par le pouvoir en place et une ouverture à une grave crise congolaise savamment préparée pour le statu quo. Le Gouvernement mis en place est un non événement, car la majorité présidentielle est elle-même un groupe incohérent et accidentel des intérêts. Il s’agit donc d’un gouvernement d’incohésion nationale, d’opportunisme, des intérêts croisés et de statu quo qui n’accomplira pas les grandes missions qui lui sont assignées, mais sera en déphasage total avec la volonté populaire. Je n’insisterai pas faute de temps sur la publicité du gouvernement autour d’une bonne croissance économique. Il s’agit là d’une croissance exogène, notamment dans le secteur minier qui est illisible dans le budget de l’Etat, qui n’a aucun impact sur l’amélioration des conditions de vie de Congolaises et Congolais. Au demeurant, il n’y a plus de secret pour personne, la République Démocratique du Congo est officiellement reconnue parmi les pays les plus pauvres de la planète. Monsieur Joseph Kabila et son gouvernement n’ont pas tiré des leçons des grands enjeux du XXème siècle, et ignorent encore les grands enjeux du XXIème siècle qui reconfigurent brutalement notre destin et risquent de briser nos efforts de vivre ensemble et de bien vivre ensemble.
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« Nous entrons dans un processus
très visible de dictature et le pire est à venir ».
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Starducongo.com : 2015 sera marquée justement par l’organisation des élections locales, municipales et provinciales ainsi que le démarrage des opérations de recensement de la population, a rappelé le Président Kabila. Comprenez-vous toutes les tensions naissantes autour de ces rendez-vous?
Réagissant à votre question sur le message de vœux du Président Joseph Kabila, j’ai essayé déjà d’aborder votre question. Les tensions autour de ces rendez-vous sont justifiées, car le contexte dans lequel se préparent ces rendez-vous inspire la méfiance de la population, des acteurs de l’opposition, de la société civile, des résistants et de la diaspora mobilisés pour un vrai changement de direction à la tête de la République Démocratique du Congo. Au demeurant, nous entrons dans un processus très visible de dictature et le pire est à venir. La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), de par sa conception, sa composition et son fonctionnement, reste encore un organe dépendant du pouvoir en place. Il faut son nettoyage global. L’accélération curieuse du découpage territorial en 26 provinces vient renforcer les faiblesses administratives, financières et techniques. La République Démocratique du Congo risque de vivre un chaos d’une mise en place précipitée d’une décentralisation sans en avoir jeté au préalable des bases profondes et inébranlables de notre bien vivre ensemble. Il nous faut trouver une approche juste et intégrée de la décentralisation. Il n’y a pas de doute possible que le recensement tel que soutenu par le pouvoir actuel vise à permettre à Monsieur Joseph Kabila de trouver des alibis pour prolonger son mandat et de créer des conditions clientélistes et forcées de son remplacement. Le peuple congolais ne l’acceptera pas. Le recensement en soi n’est pas une mauvaise chose. Quelles seront les stratégies de recensement à l’est du pays où plus de 3000.000 de personnes sont déplacées de force et des milliers de mercenaires et rebelles étrangers occupent notre territoire ? Le recensement de la population devra s’insérer dans le plan global de développement et de sécurisation du pays du pouvoir qui succédera au pouvoir actuel. Pour être efficace et pertinent, le recensement est un processus coûteux et à moyen terme, devant se consolider dans le long terme.
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« Monsieur Joseph Kabila doit partir
à la fin de son mandat contesté en 2016. »
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Starducongo.com : On a beaucoup parlé de Constitution durant l’année écoulée. Pensez-vous qu’on en a un peu trop fait ? Certains déplorent que des sujets tout aussi importants voire préoccupants pour le citoyen lambda aient été délaissés au profit de cette question. Quel sens donnez-vous à cette réaction ?
C’est vrai que l’année écoulée a été marquée par des agitations autour de la modification de la Constitution, notamment en ce qui concerne l’article 220 qui est verrouillé. Aux termes de cet article, Monsieur Joseph Kabila doit partir à la fin de son mandat contesté en 2016. Cette pression pour le respect de la Constitution est nécessaire et est même relayée au niveau de la communauté internationale. La Constitution doit cesser d’être un règlement d’ordre intérieur d’un pouvoir amendable à souhait et à tout moment. La Constitution doit être un véritable fruit du génie d’un peuple pour sa sacralité. C’est ce qui fait défaut à notre Constitution actuelle. Cette lacune sera corrigée dans le cadre de ma vision du Grand Congo du XXIème siècle. Quand des dirigeants sont incapables de changer positivement la vie de leur peuple, ils cherchent des stratégies pour les distraire, les conduire dans l’obscurantisme et surtout de les opposer les uns avec les autres en utilisant même certaines fibres identitaires. Votre interrogation est pertinente, car le vrai débat sur la maîtrise de notre destin commun n’a pas eu lieu. C’est le travail qu’essaient de développer la 3C-RDC et le MPDC sous ma conduite. Il aboutira bientôt.
Starducongo.com : En tant que responsable politique et associatif, quel commentaire vous inspire aujourd’hui la situation des Congolais de la RDC en général et de jeunes en particulier qui s’éloignent de plus en plus de leur pays pourtant très riche ?
La situation de Congolais de la République Démocratique du Congo en général et de jeunes en particulier est catastrophique aujourd’hui, mais je reste optimiste quant à leur avenir. Le chômage ravage la population congolaise notamment les jeunes. C’est un fléau auquel il faut s’attaquer d’urgence, car les jeunes constituent la majorité de notre population. Désespérés, les jeunes tournent leur espoir vers l’extérieur. Dans une étude que j’ai effectuée dans les années 80 et début 90, dans le cadre du programme « Jeunesse, médias et développement culturel » (JEMEDEC) du CEPROCOM, alors Centre d’étude des problèmes de la communication, les résultats étaient sans équivoque : plus de 70% de jeunes avaient déjà une vision exogène de la vie, du bien vivre, bref du développement selon le modèle occidental. En face, nous n’avons pas proposé à cette jeunesse un grand rêve congolais. Avec l’aggravation de la crise actuelle et le désespoir au pays, des jeunes ne peuvent qu’être attirés par l’envie de l’exode. Mais aujourd’hui, un élan nouveau se met en place dans la mesure où des jeunes Congolais à l’étranger, dits « Bana ya bilaka » ou « les Enfants de la promesse », tiennent à rentrer pour bâtir leur pays. Il faut investir à long terme dans l’éducation, la culture et la recherche pour la jeunesse. C’est le sens qu’il faut donner à notre programme transversal dénommé « Priorité Enfant » et au « Catéchisme de l’emploi de la jeunesse sur 30 ans » au Congo, développés par le MPDC. Ma vision du Grand Congo du XXIème siècle est un grand rêve et une réponse appropriée aux grands défis de la jeunesse congolaise dans ce siècle qui reconfigure le monde. Si tu ne sais pas rêver l’irréel, tu ne peux pas créer le réel.
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« Le gouvernement
dit de cohésion nationale n’en est pas une. »
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Starducongo.com : A propos du gouvernement dit de « cohésion nationale » mis en place depuis quelques mois, beaucoup de choses ont été dites sur cette formation et la manière dont elle a été formée. Diriez-vous qu’elle convient à la situation actuelle de la RDC ?
Le gouvernement dit de cohésion nationale n’en est pas une. Il y a un simple ramassage de quelques opposants pour colorer la table. Les opposants crédibles ont refusé de faire partie de ce gouvernement. Dans sa nomenclature, le Ministère chargé des Affaires Sociales n’est pas repris dans ce gouvernement. Qu’est-ce à dire pour le social ? Le peuple congolais ne croit pas non plus à ce gouvernement et souhaite le départ rapide de Monsieur Joseph Kabila du pouvoir en 2015 pour redémarrer son pays. Il importe aussi de souligner que le Président est lui-même le premier élément d’incohésion nationale, car il a été élu en 2011 sur la base des élections frauduleuses et criminelles. Le deuil national de ces élections n’a jamais été organisé. Le manque de légitimité de son pouvoir n’a jamais été résolu. C’est ainsi que beaucoup de forces politiques ont exigé la tenue d’un dialogue politique national inclusif duquel devait sortir un gouvernement d’union nationale devant définir la feuille de route globale et pertinente jusqu’à l’organisation de toutes les élections dont l’élection présidentielle en 2016. Ces forces politiques se fondent sur l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et la résolution 2098 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Quand un Président de la République prend un an pour former un gouvernement, ce que la cohésion nationale est absente. En outre, ce n’est pas en récupérant ma vision, quand il cite notamment Béatrice Kimpa Vita, Simon Kimbangu et Laurent-Désiré Kabila dans son discours de lundi 15 décembre 2014 devant le Congrès, qu’il deviendra grand.
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« Le fleuve Congo a toujours refusé
d’être considéré comme un mur qui nous sépare. »
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Starducongo.com : Les relations entre la RDC et le Congo ont été brouillées l’année dernière suite à l’opération « Mbata ya ba kolo ». Plusieurs résolutions ont été prises pour baisser la tension et éviter qu’une telle crise se répète. Pensez-vous qu’elles aient réussi à régler définitivement cette crise ? Comment voyez-vous l’avenir des relations entre ces deux pays voisins ?
Cette seule question peut m’amener à écrire un livre à ce sujet, tant ce qui s’est passé est grave dans l’histoire de nos deux pays siamois. Cette crise est grave parce que nous avons oublié qui nous sommes et ce que nous devons être. Et c’est plus grave pour les dirigeants de ces deux pays. C’est une conséquence de notre échec de bâtir de notre mieux vivre ensemble. D’où vient cette tension ? Est-elle une maladie imaginaire ? Non. Les générations présentes et futures établiront un vrai procès au nom de la dignité humaine et de la justice. Cette crise est le signe de la perte de notre fondement de « Muntu ». Cette crise profonde nécessite l’utilisation des instruments appropriés de l’éducation et de la culture pour proposer des approches politiques qui unissent nos deux peuples appelés à être un Grand Peuple Congolais. Le fleuve Congo a toujours refusé d’être considéré comme un mur qui nous sépare. Mais par sa splendeur, il a toujours voulu être le chemin de notre destin commun. Les relations de nos deux pays doivent être les relations du « Muntu ».
Starducongo.com : L’épidémie Ebola, les guerres ethniques et religieuses et le terrorisme ont dominé l’actualité africaine en 2014. Pensez-vous que l’année 2015 sera meilleure pour le continent ?
En tant qu’humaniste, j’ai toujours été optimiste et réaliste. Demain il ne faut pas l’attendre, mais il faut l’inventer. L’année 2015 sera ce que nous aurons fait d’elle, en dépit de certains paramètres difficiles à maîtriser. Comme je l’avais écrit en 1996 et 1997, le troisième millénaire, millénaire de la justice, est le millénaire de l’Afrique et les deux premières décennies du XXIème siècle seront capitales pour notre continent. Il faut une mobilisation sans précédent de l’Afrique et j’appuie le programme ambitieux de l’Union Africaine jusqu’à 2063. Tous ces défis que vous relevez deviennent une préoccupation internationale. Je salue en passant les performances des experts congolais dans les efforts de maîtrise du virus Ebola. Face au terrorisme fondé notamment sur des considérations religieuses absurdes, l’Afrique, berceau de l’humanité, a le devoir de redevenir le poumon spirituel de l’humanité pour nous sortir de cette grave crise.
Starducongo.com : Vous êtes attentif à l’actualité culturelle de votre pays. Nombreux observateurs parlent de régression d’un secteur autrefois bouillonnant. Quel est votre avis sur la question?
La culture est un secteur important, surtout pour un ancien expert de l’Unesco en matière de culture et de communication que je suis. La culture est encore de nos jours considérée comme un simple domaine connexe, alors que les industries créatives ou culturelles occupent aujourd’hui une place importante dans les économies avancées. Cette régression est palpable et se lit dans le budget du Ministère de la Culture. Il y a un problème de vision et de volonté politique. Il convient de noter une carence d’une grande politique culturelle ambitieuse, suite à une petite et mauvaise vision de la culture. Comme l’a souligné Monsieur Colin MERCER dans le rapport de la Commission mondiale de la culture et du développement de l’Unesco, intitulé « Notre diversité créatrice », publié en 1996 à Paris, « Le plus grand problème auquel nous devons faire face, dans le domaine de la politique culturelle, ne provient pas, je le crois, d’un manque de ressources, d’un manque de volonté, d’un manque d’engagement, ni même d’un manque de coordination des politiques à ce jour. Il provient plutôt d’une mauvaise appréhension ou même d’une formulation et d’une reconnaissance incomplète de l’objet même de nos réflexions : la culture. » La culture est importante, la 3C-RDC et le MPDC proposent un grand Ministère de la Culture et de l’Orientation Nationale.
Starducongo.com : Vous êtes également très actif sur la scène politique. Armand Mavinga Tsafunenga serait-il candidat au suffrage universel ?
Ce n’est plus un secret pour personne que je suis candidat à l’élection présidentielle de 2016. Cela a été annoncé dans de grands médias et je le confirme auprès de Star du Congo. C’est un problème de principe républicain, tout en étant engagé dans la réflexion sur les conditions préalables pour des élections justes, crédibles et transparentes en République Démocratique du Congo. 2016 c’est demain matin et demain se prépare aujourd’hui. Ma candidature est aussi une demande populaire. En effet, les Congolaises et Congolais, toutes tendances confondues, ont adopté le 1er juin 2013 une déclaration à Cologne en Allemagne où il demandait à tout le peuple congolais de se mobiliser autour de ma vision du Grand Congo du XXIème siècle pour sa sortie de la longue crise multiforme. Il s’agit donc d’une attente forte pour que je prenne en main leur destin. C’est depuis le 11 juillet 1991 que je me prépare à assumer et à changer le destin de mon peuple. Je peux vous dire aujourd’hui que je suis prêt à relever les grands défis qui m’attendent pour changer le destin du peuple congolais. Comme je l’avais souligné dans plusieurs médias, je suis candidat à l’élection présidentielle pour devenir le Président de la République attendu par le Peuple Congolais dans ses pleurs et prières avec la grâce de Dieu. Par mon engagement, j’entends réconcilier le peuple congolais avec Dieu, avec lui-même, avec son sol, son sous-sol, son espace et ses ancêtres, ainsi qu’avec les peuples voisins et du monde entier. J’entends aussi être une solide charnière entre l’ancien Congo, Congo du plus grand holocauste après la seconde guerre mondiale, qui se termine avec le pouvoir de Joseph Kabila, et le nouveau Congo qui débute très bientôt sous ma présidence. En tant qu’humaniste, j’aspire à une société fraternelle où chacun, reconnaissant en chaque autre un autre lui-même, se sent solidaire de tous. Une fois de plus merci beaucoup Monsieur Alain Bouithy pour votre entretien.
Starducongo.com : C’est nous qui vous remercions !
Propos recueillis par Alain Bouithy
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