
C’est un homme touché au plus profond de lui-même, mais qui ne manque pas d’énergie pour continuer à exercer les charges qui sont les siennes. Dans une interview à cœur ouvert, Henri Djombo, ministre de l’économie forestière et du développement durable, se prononce enfin, sur ce qui se dit sur lui. Il a échappé à la mort le 31 décembre dernier et il doit faire face à une campagne de désinformation. Est-il milliardaire et propriétaire ou actionnaire de nombreuses sociétés forestières? «Je déclare, sur l’honneur, que je ne suis ni propriétaire ni actionnaire d’aucune société forestière», répond-il vertement, avant d’avouer son amertume, devant cette campagne de désinformation contre lui. Interview.
Monsieur le ministre, plusieurs restructurations sous forme de réaménagements sont intervenues au sein de votre département ministériel, quelles sont les véritables raisons de ces chambardements?
Il ne s’agit pas de chambardements, mais de changements qui tiennent compte des dispositions du décret n°2012-1216 du 3 décembre 2012, déterminant la composition des cabinets ministériels, des défis que mon ministère est appelé à relever et du «turn-over» que l’on y observe. La recherche de l’efficacité amène, souvent, à faire et défaire les équipes. C’est normal, toutes les organisations fonctionnent ainsi.
* De nombreux observateurs et certaines O.n.gs locales pointent du doigt le Fonds destiné à la sensibilisation des programmes environnementaux, à l’exemple de l’A.p.v/Flegt. Il semblerait que les experts internationaux chargés de la gestion dudit programme de l’Union européenne traitent avec des O.n.gs-écrans et vont jusqu’à surfacturer le budget, tandis que plusieurs O.n.gs locales se plaignent d’être mises à l’écart. Qu’en est-il exactement?
** Dans le cadre de la mise en œuvre de l’A.p.v-Flegt, il y a des appuis qui sont apportés aux O.n.gs nationales par les organismes internationaux tels que la F.a.o et des O.n.gs internationales telles que Fern (Belgique) et Well-Grounded (Grande Bretagne).
Ces financements dont bénéficient la société civile, les administrations et le secteur privé sont accordés après appels à proposition. Seules, les propositions pertinentes sont sélectionnées et retenues.
Par exemple, une O.n.g nationale qui a bénéficié des financements A.c.p/F.a.o pour mettre en œuvre le projet «création d’un réseau d’observateurs indépendants dans le cadre de la mise en œuvre de l’A.p.v-Flegt-Congo», n’a pas, suite à une mission d’évaluation du bailleur de fonds, produit le travail attendu. Les fonds alloués font toujours l’objet d’un audit ou d’une évaluation par les donateurs.
S’agissant des O.n.gs dites écrans qui surfactureraient les programmes, en complicité avec des experts internationaux, je n’en ai pas, du tout, connaissance. Que les plaignants s’adressent à moi, preuve à l’appui, pour mettre fin à cette situation, si elle existe.
Quelles dispositions avez-vous prises pour qu’un audit soit effectué sur la gestion des centaines de millions de francs Cfa de ce Fonds?
Les donateurs jugent eux-mêmes de l’opportunité de réaliser les audits sur les fonds qu’ils accordent, dans le cadre de la coopération, comme il revient au gouvernement d’auditer les fonds qu’il met à disposition.
L’entrée en vigueur de l’Accord de partenariat volontaire (A.p.v/Flegt) pour l’exploitation et le commerce légal du bois avec l’Union européenne, en mars 2013, suscite déjà de nombreuses questions sur fond d’inquiétudes. Quels sont les points rassurants que vous pouvez signifier aux employés du secteur forestier local et, par ricochet, à leurs familles?
Depuis son lancement en 2002, à Bali, nous avons, volontairement, souscrit à l’initiative «Application des lois forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux» (Flegt) de l’Union européenne et donnons ainsi la preuve que le gouvernement garantit la transparence et la bonne gouvernance dans le secteur forestier.
C’est ainsi que la République du Congo et l’Union européenne ont signé, le 17 mai 2010, un Accord de partenariat volontaire (A.p.v) sur ce processus. L’Etat congolais s’engage à ce que l’ensemble de sa filière bois satisfasse aux exigences de légalité et de traçabilité du Système de vérification de la légalité (S.v.l).
Les entreprises forestières doivent, à travers ce processus, prouver la légalité de leurs activités dans le pays où elles opèrent, afin que leurs produits puissent accéder aux marchés extérieurs. Ce sont tous les pays producteurs de bois tropicaux qui sont concernés par cette mesure. Nous avons bien fait d’anticiper, en signant, le premier, l’A.p.v avec l’Union européenne et en mettant un accent particulier sur l’information et la sensibilisation des operateurs économiques du secteur forestier. Ce qui nous vaut une longueur d’avance sur les autres pays producteurs.
Par ailleurs, pour des raisons techniques d’opérationnalisation du Système national de traçabilité, les autorisations Flegt ne seront pas émises à partir de mars 2013. Dans ce premier temps de l’entrée en vigueur de l’A.p.v, il sera appliqué, provisoirement, le Règlement bois de l’Union européenne (R.b.u.e), qui veut que le producteur fournisse aux acheteurs de son bois les informations sur la légalité de ses activités: détention d’un titre d’exploitation forestière, respect du cahier de charges particulier, des engagements sociaux et de la convention d’aménagement/transformation des bois (calendrier des investissements et de la formation, implantation de bases-vie viables et décentes, réalisation des plans d’aménagement, etc.), paiement régulier des impôts et taxes à l’Etat et des prestations sociales à la C.n.s.s, etc. Il y a, en tout, 162 vérificateurs de légalité que la société doit avoir rempli pour jouir de ses droits.
Tant que les sociétés ne se seront pas mises à jour sur le plan de la légalité de leurs activités et n’auront pas changé de culture, elles ne pourront pas vendre leur bois et fonctionner. On doit savoir que, pendant ce temps, la situation sociale n’y sera pas reluisante. La remise à niveau durera entre le trimestre et des années, avec le risque de fermetures pour certaines entreprises et leur rachat par de nouveaux capitaux qui attendraient cette aubaine.
Depuis plusieurs années, deux sociétés sont engagées dans l’aménagement et la certification forestière: C.i.b et Ifo, soumises à des exigences plus contraignantes que le Flegt. Il n’y a pas eu de pertes d’emplois. Bien au contraire, les travailleurs y bénéficient de sécurité du travail et d’une bonne prise en charge sociale. D’autres leur emboitent le pas, ce qui est encourageant.
Votre maîtrise des rouages du secteur bois vous vaut, aujourd’hui, d’être un bon spéculateur dans l’exportation de cette matière, en votre qualité de propriétaire de plusieurs sociétés d’exploitation forestière de dimension internationale qui ont fait de vous un milliardaire. Vrai ou faux?
Archi-faux! C’est de la délation; c’est ce que, depuis plus d’une décennie, la rumeur publique répand sur ma personne. Je déclare, sur l’honneur, que je ne suis ni propriétaire ni actionnaire d’aucune société forestière dans mon pays ni ailleurs. Menez vos investigations; je vous défie de me démentir dans les faits. Ne me jugez donc pas sur la foi des autres, qui ne sont surtout pas des modèles de probité.
C’était la même chose dans les années 80, sous Sassou I: on m’attribuait une fortune que je n’ai jamais eue, juste pour me salir devant le chef de l’Etat et l’opinion publique. Ce sont les mêmes techniques et les mêmes logiques qui se poursuivent. C’est dommage qu’on ne cherche pas l’évolution du pays et qu’on veuille plutôt sa régression, par la faute de certains acteurs politiques mal intentionnés.
Le président de la République m’a fait confiance et m’a chargé de conduire et de mettre en œuvre la politique gouvernementale dans les domaines de la forêt, de la faune et du développement durable. Sa vision et la rigueur avec laquelle il considère ces secteurs me confortent dans l’action. Les témoignages des humbles succès de notre pays dans ces domaines se passent de commentaires, même si certaines personnes se font aveugles et continueront à nier l’évidence: le Congo est partout respecté.
Au moins, vous devriez savoir que, partout dans le monde, les ministres ne vendent pas les produits des entreprises de leur secteur. Donc, je ne vends pas le bois! Je suis amer, car le constat qu’on fait du niveau des gens, de leurs connaissances générales, est bien triste parfois.
Selon les statistiques officielles, le Congo est l’un des pays d’Afrique tropicale où le bois destiné à la construction coûte le plus cher. A quoi cela est-il dû?
Il est vrai que le prix du bois, matériau qui participe, pour une large part, à la construction, reste élevé dans notre pays. Pourtant, ce n’est pas chez nous que ces prix seraient les plus élevés ni les industriels qui en seraient à l’origine. Les prix départ usine sont faibles et grossissent au fur et à mesure, jusqu’au consommateur final. Les marges commerciales exorbitantes que se taille une multitude d’intermédiaires, le coût du transport et les nombreuses taxes qu’on dénombre dans la chaîne de distribution concourent, pour près de la moitié, à la formation des prix des bois sur le marché local. A cela s’ajoute le fait que les bois séchés artificiellement sont de plus en plus vendus sur le marché intérieur et coûtent, à cause des frais de séchage, plus cher que les sciages verts, seuls produits autrefois vendus sur le marché. Néanmoins, la question mérite bien d’être prise en compte par les différents ministères.
Venons-en à la Redd+. Il paraîtrait que le Congo ne facilite pas la tâche aux O.n.gs de la place pour qu’elles participent à la mise en œuvre de ce projet. Quel est votre commentaire, Monsieur le ministre?
Le Congo s’est engagé dans le processus Redd+ depuis quelques années seulement. Plusieurs étapes ont été franchies en très peu de temps, à commencer par la préparation, la validation, puis l’adoption, en 2011, de notre plan de préparation à la Redd+, en sigle R.p.p.
La seconde étape concerne la mise en œuvre du R.p.p qui a commencé. Déjà, la phase préparatoire a connu la pleine participation de la société civile. La plateforme de la société civile et des populations autochtones, mise en place, confirme le caractère inclusif de processus Redd+.
La mise en œuvre du processus vient de commencer par la constitution des organes de gestion où toutes les parties prenantes sont représentées. En attendant la fonctionnalité de tous ces organes, la plate forme intitulée «Cadre de concertation des organisations de la société civile et des populations autochtones», en sigle Caco Redd, participe à l’élaboration et à l’adoption des programmes de travail et du budget annuel de l’Onu-Redd et du Fonds pour le carbone forestier de la Banque mondiale. Toutes ces allégations ne cessent de m’étonner.
La question du braconnage n’est toujours pas résolue jusque-là, en dépit des mesures juridiques en vigueur depuis de nombreuses années, à en croire une porte-parole de l’ambassade des États-Unis au Congo, qui s’est exprimée jeudi 21 février 2013 sur Télé-Congo. Où se situerait la faille de l’applicabilité d’une loi efficace en ce sens?
La question est évidemment d’actualité. Les droits d’usage que la loi reconnaît aux populations riveraines permettent à celles-ci de satisfaire leurs besoins légitimes en viande de chasse. Mais, dès lors qu’une partie de la viande est destinée aux marchés urbains et qu’une autre alimente même les circuits régionaux et internationaux, on sort du contexte normal. Aujourd’hui, le commerce lucratif des produits de la faune sauvage (ivoire, peaux d’animaux, animaux vivants, trophées divers) encourage le braconnage, c’est-à-dire l’accès illégal à la ressource, soutenu par un vaste et puissant réseau de trafiquants internationaux.
Les braconniers opèrent dans les concessions forestières, les domaines ruraux et de plus en plus dans les aires protégées, avec des armes de chasse et des armes de guerre.
Le braconnage s’exerce sur plusieurs espèces animales et particulièrement sur les grands mammifères. La multiplication et la propagation des éléphants de forêts résultent d’une politique suivie de protection de la faune sauvage et sont à l’origine du conflit hommes-animaux sauvages non pas seulement dans les parcs nationaux et les réserves de faune, mais aussi dans certains villages. Les espèces telles que le céphalophe bleu, le pangolin géant et d’autres petits mammifères connaissent un déclin dramatique, causant aussi la disparition des carnivores comme le lion, le léopard, les hyènes tachetées, etc. Les efforts investis par l’État dans la conservation sont anéantis.
Comme dans la plupart des pays, les aires protégées sont plongées dans l’indigence et ne disposent pas de ressources humaines, financières et matérielles adéquates pour leur gestion. Leurs gestionnaires n’arrivent pas toujours à faire face aux assauts répétés et musclés des braconniers.
Même les massacres d’espèces emblématiques comme l’éléphant et le rhinocéros en Afrique ne suscitent pas d’actions vigoureuses des États et de la communauté internationale qui se contentent de s’indigner et de se plaindre du phénomène. On sait, pourtant, que la destruction de la faune sauvage n’entraîne pas seulement la perte de la biodiversité, mais également celle des vies humaines, l’insécurité et l’épuisement de la ressource pour les populations rurales qui en dépendent depuis des siècles.
Étant donné les enjeux actuels, la lutte contre le braconnage ne doit pas être laissée au seul ministère en charge de la faune. Elle doit concerner, également, d’autres secteurs: la sécurité, la défense, l’administration du territoire, la justice, les finances, les transports, la communication, l’éducation civique, le tourisme, etc, qui doivent travailler en synergie. La protection de la nature est un devoir citoyen qui requiert l’implication de tous, y compris la presse et les médias que vous représentez.
De même, un seul pays ne saurait venir à bout du braconnage et du commerce illégal qu’il induit, sans la coopération des autres, en particulier des États voisins. C’est pourquoi des actions stratégiques doivent être conçues au niveau national, concertées et harmonisées aux échelons sous-régional et régional. A cet égard, la coopération au sein de la Comifac dans le bassin du Congo doit amener les acteurs à parler le même langage et à faire preuve d’une vision commune, d’engagement et de plus de solidarité entre eux, pour relever le défi de la lutte contre le braconnage dans la sous-région. C’est ainsi qu’une réunion ministérielle des États de la C.e.e.a.c est prévue dans les prochains jours à Douala, pour débattre du braconnage dans la sous-region. Brazzaville se prépare, également, à abriter, cette année, une conférence internationale sur la lutte contre le commerce illicite de la faune et de la flore africaines.
Monsieur le ministre, pour terminer notre entretien, une question à caractère personnel. Était-ce un attentat dont vous avez failli être victime le 31 décembre 2012 ou un accident? Où en est-on des enquêtes engagées à ce sujet?
En effet, j’ai échappé à un attentat, ce jour-là, grâce aux amis venus de Douala passer la fête du nouvel an à Enyellé. Ils m’ont pris dans leur bimoteur avec 12 autres personnes, tandis que 15 passagers ont emprunté mon bateau à Impfondo pour Enyellé. Si l’avion a atterri sans problème, le bateau, lui, n’est pas parvenu à destination: à 20 kilomètres de l’arrivée, à 22h, une explosion s’est produite sur le siège que j’occupe toujours, un incendie s’est déclenché, puis l’explosion du bateau s’est produite. Le garde du corps qui occupait ce siège s’est brûlé les jambes et les bras et n’a échappé à la mort que parce qu’il était couché, ayant ainsi mis hors d’atteinte le buste et la tète. Le deuxième garde du corps fut porté disparu et retrouvé mort au quatrième jour après l’explosion. Le maitre d’hôtel et le chauffeur ont été brûlés aux bras et à la tête. Les sinistrés n’ont été sauvés que le lendemain, après plus de dix heures passés dans l’eau.
Quant aux enquêtes, je n’en ai pas une idée, peut-être se mènent-elles encore. Je ne suis pas encore entendu, mais j’estime qu’il existe un lien entre cet attentat et d’autres faits comme: les campagnes médiatiques et de presse menées par certains individus contre ma personne, depuis fort longtemps et qui se poursuivent actuellement, la victoire des candidats du P.c.t aux législatives dans les circonscriptions électorales de Bouanela et de Dongou, le vol de 516 millions au fonds forestier début janvier et la guerre que me mènent ouvertement des acteurs politiques, y compris des cadres de la Likouala. Les Congolais innovent-ils avec le crime politique comme mode de règlement des conflits personnels? Je remercie toutes celles et tous ceux qui, très nombreux, m’ont soutenu moralement à l’occasion de cette épreuve, particulièrement le président de la République.
Propos recueillis par
Joël NSONI
Monsieur le ministre, plusieurs restructurations sous forme de réaménagements sont intervenues au sein de votre département ministériel, quelles sont les véritables raisons de ces chambardements?
Il ne s’agit pas de chambardements, mais de changements qui tiennent compte des dispositions du décret n°2012-1216 du 3 décembre 2012, déterminant la composition des cabinets ministériels, des défis que mon ministère est appelé à relever et du «turn-over» que l’on y observe. La recherche de l’efficacité amène, souvent, à faire et défaire les équipes. C’est normal, toutes les organisations fonctionnent ainsi.
* De nombreux observateurs et certaines O.n.gs locales pointent du doigt le Fonds destiné à la sensibilisation des programmes environnementaux, à l’exemple de l’A.p.v/Flegt. Il semblerait que les experts internationaux chargés de la gestion dudit programme de l’Union européenne traitent avec des O.n.gs-écrans et vont jusqu’à surfacturer le budget, tandis que plusieurs O.n.gs locales se plaignent d’être mises à l’écart. Qu’en est-il exactement?
** Dans le cadre de la mise en œuvre de l’A.p.v-Flegt, il y a des appuis qui sont apportés aux O.n.gs nationales par les organismes internationaux tels que la F.a.o et des O.n.gs internationales telles que Fern (Belgique) et Well-Grounded (Grande Bretagne).
Ces financements dont bénéficient la société civile, les administrations et le secteur privé sont accordés après appels à proposition. Seules, les propositions pertinentes sont sélectionnées et retenues.
Par exemple, une O.n.g nationale qui a bénéficié des financements A.c.p/F.a.o pour mettre en œuvre le projet «création d’un réseau d’observateurs indépendants dans le cadre de la mise en œuvre de l’A.p.v-Flegt-Congo», n’a pas, suite à une mission d’évaluation du bailleur de fonds, produit le travail attendu. Les fonds alloués font toujours l’objet d’un audit ou d’une évaluation par les donateurs.
S’agissant des O.n.gs dites écrans qui surfactureraient les programmes, en complicité avec des experts internationaux, je n’en ai pas, du tout, connaissance. Que les plaignants s’adressent à moi, preuve à l’appui, pour mettre fin à cette situation, si elle existe.
Quelles dispositions avez-vous prises pour qu’un audit soit effectué sur la gestion des centaines de millions de francs Cfa de ce Fonds?
Les donateurs jugent eux-mêmes de l’opportunité de réaliser les audits sur les fonds qu’ils accordent, dans le cadre de la coopération, comme il revient au gouvernement d’auditer les fonds qu’il met à disposition.
L’entrée en vigueur de l’Accord de partenariat volontaire (A.p.v/Flegt) pour l’exploitation et le commerce légal du bois avec l’Union européenne, en mars 2013, suscite déjà de nombreuses questions sur fond d’inquiétudes. Quels sont les points rassurants que vous pouvez signifier aux employés du secteur forestier local et, par ricochet, à leurs familles?
Depuis son lancement en 2002, à Bali, nous avons, volontairement, souscrit à l’initiative «Application des lois forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux» (Flegt) de l’Union européenne et donnons ainsi la preuve que le gouvernement garantit la transparence et la bonne gouvernance dans le secteur forestier.
C’est ainsi que la République du Congo et l’Union européenne ont signé, le 17 mai 2010, un Accord de partenariat volontaire (A.p.v) sur ce processus. L’Etat congolais s’engage à ce que l’ensemble de sa filière bois satisfasse aux exigences de légalité et de traçabilité du Système de vérification de la légalité (S.v.l).
Les entreprises forestières doivent, à travers ce processus, prouver la légalité de leurs activités dans le pays où elles opèrent, afin que leurs produits puissent accéder aux marchés extérieurs. Ce sont tous les pays producteurs de bois tropicaux qui sont concernés par cette mesure. Nous avons bien fait d’anticiper, en signant, le premier, l’A.p.v avec l’Union européenne et en mettant un accent particulier sur l’information et la sensibilisation des operateurs économiques du secteur forestier. Ce qui nous vaut une longueur d’avance sur les autres pays producteurs.
Par ailleurs, pour des raisons techniques d’opérationnalisation du Système national de traçabilité, les autorisations Flegt ne seront pas émises à partir de mars 2013. Dans ce premier temps de l’entrée en vigueur de l’A.p.v, il sera appliqué, provisoirement, le Règlement bois de l’Union européenne (R.b.u.e), qui veut que le producteur fournisse aux acheteurs de son bois les informations sur la légalité de ses activités: détention d’un titre d’exploitation forestière, respect du cahier de charges particulier, des engagements sociaux et de la convention d’aménagement/transformation des bois (calendrier des investissements et de la formation, implantation de bases-vie viables et décentes, réalisation des plans d’aménagement, etc.), paiement régulier des impôts et taxes à l’Etat et des prestations sociales à la C.n.s.s, etc. Il y a, en tout, 162 vérificateurs de légalité que la société doit avoir rempli pour jouir de ses droits.
Tant que les sociétés ne se seront pas mises à jour sur le plan de la légalité de leurs activités et n’auront pas changé de culture, elles ne pourront pas vendre leur bois et fonctionner. On doit savoir que, pendant ce temps, la situation sociale n’y sera pas reluisante. La remise à niveau durera entre le trimestre et des années, avec le risque de fermetures pour certaines entreprises et leur rachat par de nouveaux capitaux qui attendraient cette aubaine.
Depuis plusieurs années, deux sociétés sont engagées dans l’aménagement et la certification forestière: C.i.b et Ifo, soumises à des exigences plus contraignantes que le Flegt. Il n’y a pas eu de pertes d’emplois. Bien au contraire, les travailleurs y bénéficient de sécurité du travail et d’une bonne prise en charge sociale. D’autres leur emboitent le pas, ce qui est encourageant.
Votre maîtrise des rouages du secteur bois vous vaut, aujourd’hui, d’être un bon spéculateur dans l’exportation de cette matière, en votre qualité de propriétaire de plusieurs sociétés d’exploitation forestière de dimension internationale qui ont fait de vous un milliardaire. Vrai ou faux?
Archi-faux! C’est de la délation; c’est ce que, depuis plus d’une décennie, la rumeur publique répand sur ma personne. Je déclare, sur l’honneur, que je ne suis ni propriétaire ni actionnaire d’aucune société forestière dans mon pays ni ailleurs. Menez vos investigations; je vous défie de me démentir dans les faits. Ne me jugez donc pas sur la foi des autres, qui ne sont surtout pas des modèles de probité.
C’était la même chose dans les années 80, sous Sassou I: on m’attribuait une fortune que je n’ai jamais eue, juste pour me salir devant le chef de l’Etat et l’opinion publique. Ce sont les mêmes techniques et les mêmes logiques qui se poursuivent. C’est dommage qu’on ne cherche pas l’évolution du pays et qu’on veuille plutôt sa régression, par la faute de certains acteurs politiques mal intentionnés.
Le président de la République m’a fait confiance et m’a chargé de conduire et de mettre en œuvre la politique gouvernementale dans les domaines de la forêt, de la faune et du développement durable. Sa vision et la rigueur avec laquelle il considère ces secteurs me confortent dans l’action. Les témoignages des humbles succès de notre pays dans ces domaines se passent de commentaires, même si certaines personnes se font aveugles et continueront à nier l’évidence: le Congo est partout respecté.
Au moins, vous devriez savoir que, partout dans le monde, les ministres ne vendent pas les produits des entreprises de leur secteur. Donc, je ne vends pas le bois! Je suis amer, car le constat qu’on fait du niveau des gens, de leurs connaissances générales, est bien triste parfois.
Selon les statistiques officielles, le Congo est l’un des pays d’Afrique tropicale où le bois destiné à la construction coûte le plus cher. A quoi cela est-il dû?
Il est vrai que le prix du bois, matériau qui participe, pour une large part, à la construction, reste élevé dans notre pays. Pourtant, ce n’est pas chez nous que ces prix seraient les plus élevés ni les industriels qui en seraient à l’origine. Les prix départ usine sont faibles et grossissent au fur et à mesure, jusqu’au consommateur final. Les marges commerciales exorbitantes que se taille une multitude d’intermédiaires, le coût du transport et les nombreuses taxes qu’on dénombre dans la chaîne de distribution concourent, pour près de la moitié, à la formation des prix des bois sur le marché local. A cela s’ajoute le fait que les bois séchés artificiellement sont de plus en plus vendus sur le marché intérieur et coûtent, à cause des frais de séchage, plus cher que les sciages verts, seuls produits autrefois vendus sur le marché. Néanmoins, la question mérite bien d’être prise en compte par les différents ministères.
Venons-en à la Redd+. Il paraîtrait que le Congo ne facilite pas la tâche aux O.n.gs de la place pour qu’elles participent à la mise en œuvre de ce projet. Quel est votre commentaire, Monsieur le ministre?
Le Congo s’est engagé dans le processus Redd+ depuis quelques années seulement. Plusieurs étapes ont été franchies en très peu de temps, à commencer par la préparation, la validation, puis l’adoption, en 2011, de notre plan de préparation à la Redd+, en sigle R.p.p.
La seconde étape concerne la mise en œuvre du R.p.p qui a commencé. Déjà, la phase préparatoire a connu la pleine participation de la société civile. La plateforme de la société civile et des populations autochtones, mise en place, confirme le caractère inclusif de processus Redd+.
La mise en œuvre du processus vient de commencer par la constitution des organes de gestion où toutes les parties prenantes sont représentées. En attendant la fonctionnalité de tous ces organes, la plate forme intitulée «Cadre de concertation des organisations de la société civile et des populations autochtones», en sigle Caco Redd, participe à l’élaboration et à l’adoption des programmes de travail et du budget annuel de l’Onu-Redd et du Fonds pour le carbone forestier de la Banque mondiale. Toutes ces allégations ne cessent de m’étonner.
La question du braconnage n’est toujours pas résolue jusque-là, en dépit des mesures juridiques en vigueur depuis de nombreuses années, à en croire une porte-parole de l’ambassade des États-Unis au Congo, qui s’est exprimée jeudi 21 février 2013 sur Télé-Congo. Où se situerait la faille de l’applicabilité d’une loi efficace en ce sens?
La question est évidemment d’actualité. Les droits d’usage que la loi reconnaît aux populations riveraines permettent à celles-ci de satisfaire leurs besoins légitimes en viande de chasse. Mais, dès lors qu’une partie de la viande est destinée aux marchés urbains et qu’une autre alimente même les circuits régionaux et internationaux, on sort du contexte normal. Aujourd’hui, le commerce lucratif des produits de la faune sauvage (ivoire, peaux d’animaux, animaux vivants, trophées divers) encourage le braconnage, c’est-à-dire l’accès illégal à la ressource, soutenu par un vaste et puissant réseau de trafiquants internationaux.
Les braconniers opèrent dans les concessions forestières, les domaines ruraux et de plus en plus dans les aires protégées, avec des armes de chasse et des armes de guerre.
Le braconnage s’exerce sur plusieurs espèces animales et particulièrement sur les grands mammifères. La multiplication et la propagation des éléphants de forêts résultent d’une politique suivie de protection de la faune sauvage et sont à l’origine du conflit hommes-animaux sauvages non pas seulement dans les parcs nationaux et les réserves de faune, mais aussi dans certains villages. Les espèces telles que le céphalophe bleu, le pangolin géant et d’autres petits mammifères connaissent un déclin dramatique, causant aussi la disparition des carnivores comme le lion, le léopard, les hyènes tachetées, etc. Les efforts investis par l’État dans la conservation sont anéantis.
Comme dans la plupart des pays, les aires protégées sont plongées dans l’indigence et ne disposent pas de ressources humaines, financières et matérielles adéquates pour leur gestion. Leurs gestionnaires n’arrivent pas toujours à faire face aux assauts répétés et musclés des braconniers.
Même les massacres d’espèces emblématiques comme l’éléphant et le rhinocéros en Afrique ne suscitent pas d’actions vigoureuses des États et de la communauté internationale qui se contentent de s’indigner et de se plaindre du phénomène. On sait, pourtant, que la destruction de la faune sauvage n’entraîne pas seulement la perte de la biodiversité, mais également celle des vies humaines, l’insécurité et l’épuisement de la ressource pour les populations rurales qui en dépendent depuis des siècles.
Étant donné les enjeux actuels, la lutte contre le braconnage ne doit pas être laissée au seul ministère en charge de la faune. Elle doit concerner, également, d’autres secteurs: la sécurité, la défense, l’administration du territoire, la justice, les finances, les transports, la communication, l’éducation civique, le tourisme, etc, qui doivent travailler en synergie. La protection de la nature est un devoir citoyen qui requiert l’implication de tous, y compris la presse et les médias que vous représentez.
De même, un seul pays ne saurait venir à bout du braconnage et du commerce illégal qu’il induit, sans la coopération des autres, en particulier des États voisins. C’est pourquoi des actions stratégiques doivent être conçues au niveau national, concertées et harmonisées aux échelons sous-régional et régional. A cet égard, la coopération au sein de la Comifac dans le bassin du Congo doit amener les acteurs à parler le même langage et à faire preuve d’une vision commune, d’engagement et de plus de solidarité entre eux, pour relever le défi de la lutte contre le braconnage dans la sous-région. C’est ainsi qu’une réunion ministérielle des États de la C.e.e.a.c est prévue dans les prochains jours à Douala, pour débattre du braconnage dans la sous-region. Brazzaville se prépare, également, à abriter, cette année, une conférence internationale sur la lutte contre le commerce illicite de la faune et de la flore africaines.
Monsieur le ministre, pour terminer notre entretien, une question à caractère personnel. Était-ce un attentat dont vous avez failli être victime le 31 décembre 2012 ou un accident? Où en est-on des enquêtes engagées à ce sujet?
En effet, j’ai échappé à un attentat, ce jour-là, grâce aux amis venus de Douala passer la fête du nouvel an à Enyellé. Ils m’ont pris dans leur bimoteur avec 12 autres personnes, tandis que 15 passagers ont emprunté mon bateau à Impfondo pour Enyellé. Si l’avion a atterri sans problème, le bateau, lui, n’est pas parvenu à destination: à 20 kilomètres de l’arrivée, à 22h, une explosion s’est produite sur le siège que j’occupe toujours, un incendie s’est déclenché, puis l’explosion du bateau s’est produite. Le garde du corps qui occupait ce siège s’est brûlé les jambes et les bras et n’a échappé à la mort que parce qu’il était couché, ayant ainsi mis hors d’atteinte le buste et la tète. Le deuxième garde du corps fut porté disparu et retrouvé mort au quatrième jour après l’explosion. Le maitre d’hôtel et le chauffeur ont été brûlés aux bras et à la tête. Les sinistrés n’ont été sauvés que le lendemain, après plus de dix heures passés dans l’eau.
Quant aux enquêtes, je n’en ai pas une idée, peut-être se mènent-elles encore. Je ne suis pas encore entendu, mais j’estime qu’il existe un lien entre cet attentat et d’autres faits comme: les campagnes médiatiques et de presse menées par certains individus contre ma personne, depuis fort longtemps et qui se poursuivent actuellement, la victoire des candidats du P.c.t aux législatives dans les circonscriptions électorales de Bouanela et de Dongou, le vol de 516 millions au fonds forestier début janvier et la guerre que me mènent ouvertement des acteurs politiques, y compris des cadres de la Likouala. Les Congolais innovent-ils avec le crime politique comme mode de règlement des conflits personnels? Je remercie toutes celles et tous ceux qui, très nombreux, m’ont soutenu moralement à l’occasion de cette épreuve, particulièrement le président de la République.
Propos recueillis par
Joël NSONI
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