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Alain Mabanckou : « L'Afrique a tort d'attendre un coup de main d'Obama »

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Alain Mabanckou : « L'Afrique a tort d'attendre un coup de main d'Obama »
Quarante-quatrième président des États-Unis et premier Noir à la tête de la première puissance mondiale, Barack Obama a été réélu 6 novembre 2012 par 332 grands électeurs, contre 207 pour Mitt Romney. De nouveau locataire de la Maison-Blanche, Barack Obama est résolument optimiste pour l'avenir de son pays alors qu'en Afrique des voix s'élèvent pour demander plus d'engagement au président américain

L'écrivain congolais Alain Mabanckou, qui vit à cheval entre les États-Unis et la France, décrypte la réélection du candidat démocrate à la maison blanche.

Les Dépêches de Brazzaville : Quel regard portez-vous sur la réélection de Barack Obama ?

Alain Mabanckou
: C'est une élection qui a été dominée de bout en bout par Barack Obama, même si on a laissé se répandre l'idée qu'il pouvait perdre face à Mitt Romney. Obama a mis en marche sa machine électorale, presque la même que celle de 2008, mais cette fois il a ciblé les États qui pouvaient lui apporter plus de super-délégués. De même, il a compris que le visage de l'Amérique changeait et que désormais la race blanche n'était pas forcément majoritaire. Les Latinos, les Africains-Américains progressent dans la démographie, et les enjeux de demain c'est comment convaincre ces « minorités » qui, au fond, deviennent une majorité dans leur diversité. C'est ce que Romney n'a pas compris, et cela a entraîné la défaite des Républicains !

LDB : Croyiez-vous à son retour à la Maison-Blanche, surtout après qu'il a raté son premier débat présidentiel ?

AM
: J'y croyais sincèrement. Parce qu'il y a une vraie histoire d'amour entre Obama et l'Amérique. Il symbolise le mythe, l'histoire, et surtout la preuve que l'Amérique peut ne pas se borner à la question de la race. Certes, il a raté le premier débat, mais il a gagné les deux autres et montré que Romney n'était pas calé en politique étrangère et n'était qu'une girouette qui changeait d'opinion selon le public qu'il avait en face de lui. Rater un premier débat peut vous attirer de la sympathie parce que vous ressemblez à n'importe qui et montrez que vous êtes humain. C'est comme dans la boxe, on a toujours pitié du boxeur qui a été mis KO, et au match retour on souhaite qu'il reprenne ses esprits et l'emporte.

LDB : Alors qu'il était candidat en 2008, son discours prononcé à Philadelphie au lancement des primaires démocrates en Pennsylvanie prédisait l'avènement d'une nouvelle société postraciale en Amérique. Paradoxalement, ces quatre dernières années, l'Amérique semblait de plus en plus divisée. Comment analysez-vous cette situation ?

AM
: Oui, l'Amérique est certes divisée, mais pas forcément sur le plan racial. La division se situe sur le plan des classes sociales, notamment cette classe moyenne que les deux candidats courtisaient. De même, les disparités économiques des États ont fragilisé le discours. C'est l'économie qui était au cœur des préoccupations des Américains. Et pourtant Obama a encore marqué l'histoire des États-Unis : c'est la première fois depuis Lincoln qu'un président est élu avec un taux de chômage aussi élevé (7,9%) ! C'est aussi la personnalité d'Obama qui a joué. Les Américains ont préféré quelqu'un qu'ils connaissaient déjà à un individu qui promettait 16 millions d'emplois dans une conjoncture mondialement difficile !

LDB : Quel bilan tirez-vous des premières années Obama ?

AM
: Les quatre premières années d'Obama ont été marquées par la réforme de la sécurité sociale (Obamacare). Elle a permis aux plus pauvres d'être couverts par l'assurance sociale. Il y a eu la réduction des impôts pour les classes moyennes, le sauvetage de l'industrie automobile (Detroit, Ohio), mais aussi, sur le plan international, un apaisement dans les relations avec les autres nations, et surtout l'élimination d'Oussama Ben Laden. Il reste la question de la réduction du déficit budgétaire (il avait promis de le réduire de moitié, mais cela n'a pas abouti) et aussi la question de l'immigration latino-américaine.

LDB : « Le meilleur reste à venir », a-t-il lancé mercredi matin dans son discours à Chicago. Il semble être optimiste malgré les nombreux défis qui l'attendent. L'Amérique a-t-elle raison d'y croire encore ?

AM
: On ne devient pas président en vendant du pessimisme ! Il fera tout pour réussir une bonne partie de son programme, car le plus important en politique est de laisser une bonne image dans l'histoire quand on a quitté le pouvoir. L'histoire est un jugement impitoyable. Bill Clinton a laissé une bonne image, une bonne gestion, et cela a fait oublier ses égarements amoureux avec sa secrétaire ! Et il a largement contribué à l'élection d'Obama.

LDB : Obama II sera-t-il différent quant à sa politique africaine ?

AM
: C'est l'Amérique qui passe en premier, et c'est normal ! Il n'a pas été réélu pour sauver l'Afrique, mais pour améliorer le bien-être des Américains. Nous sommes souvent naïfs en pensant que parce qu'il est à moitié d'origine africaine il sera obligé de nous aider. Nous avons des nations indépendantes, riches, c'est à nous de savoir gérer cela. Sinon, cela serait une fois de plus une sorte de dépendance. L'Afrique a donc tort d'attendre de la part d'Obama un coup de main. Et ce n'est pas lui seul qui décide : c'est une démocratie, avec un Congrès bien équilibré. Le Parlement est majoritairement républicain, et le Sénat dominé par les Démocrates. Et c'est le Congrès qui décide au fond, en matière de dépenses !

LDB : Selon vous, que doit-il faire pour réussir ce nouveau mandat ?

AM
: D'abord, réduire autant que faire se peut le déficit budgétaire du pays. Ensuite, s'occuper de la réduction des impôts qui pèsent sur les classes moyennes pour relancer le pouvoir d'achat et insuffler de l'optimisme. La question du logement est importante : éviter ces banqueroutes immobilières qui ont terrassé les populations fragiles. Il faut aussi qu'il ramène les troupes américaines au bercail. Enfin, travailler avec l'opposition, comme il l'a fait avec le gouverneur républicain Chris Christie lorsque l'ouragan Sandy a frappé la côte est de l'Amérique. S'il réussit ces quelques points, il est à parier que le président qui lui succédera en 2016 sera démocrate comme lui.

LDB : Sur le plan de l'histoire et des symboles, sa réélection peut-elle contribuer à l'évolution des questions raciales aux États-Unis ?

AM
: Les questions raciales ont une longue histoire, avec des noms que nous connaissons. Des Blancs et des Noirs ont parfois lutté ensemble pour la reconnaissance des droits civiques. La leçon que je retiendrai est plutôt que l'Amérique a besoin d'une seule chose : que chacun soit reconnu comme Américain quelle que soit son origine ou ses croyances. Obama devient alors un exemple. Mais il a lui-même dit : « Je ne suis pas le président des Noirs américains, je suis le président des États-Unis d'Amérique »...

Propos recueillis par Meryll Mezath

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