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Président de la Fondation Ebina et du Collectif des explosions du 4-Mars, Joe Washington Ebina est aussi une victime. Il y a exactement un an, à Brazzaville, le dépôt de munitions de Mpila venait d’exploser. Un an après, affirme Joe Washington, des familles sont toujours dans des tentes. Il dénonce le manque de volonté des autorités pour faire aboutir l’enquête. Et les officiers arrêtés ne sont pour lui que « les boucs émissaires d’un système ».
RFI : Joe Washington Ebina, bonjour. Combien de personnes sont mortes à Brazzaville le 4 mars 2012 ?
Ça dépend sur quelle base vous vous situez. Mais nous, nous pensons, suite à l’étendue du territoire et le nombre de personnes sinistrées, il y a eu au moins 1 000 morts.
Officiellement, il y a eu 282 morts. Des sources occidentales disent qu’il y en a eu sans doute trois fois plus. Vous, vous dites carrément 1 000 morts.
Nous pensons qu’il y a eu 1 000 morts, suite au fait que jusqu’à aujourd’hui, dans le collectif, il y a des familles qui recherchent encore des membres. Donc, cela veut dire que nous pensons qu’il y a encore plus. Malheureusement, les autorités de Brazzaville donnent un chiffre dont nous trouvons qu’il n’est absolument pas correct.
A-t-on une idée du nombre de disparus ?
Au niveau de notre collectif, nous sommes en train de les recenser progressivement. Mais le chiffre est difficile à dire. Vous savez, nous parlons d’une zone où il y avait 20 000 à 30 000 personnes. Donc, cela veut dire qu’il y a un manque de vérité dans cette affaire.
L’explosion a fait 17 000 sans-abri. Que sont-ils devenus ?
Aujourd’hui, la plupart des sinistrés vivent dans des taudis. Les familles vivent sous les tentes. Il n’y a aucune habitation qui a été reconstruite, pendant que certains dignitaires ont commencé les leurs. Il y a vraiment un problème d’habitation, un problème de logement.
Ce qui veut dire qu’il y a encore des milliers de gens qui vivent sous la tente ?
Tout à fait. Avec des pluies, dans une zone où il pleut énormément. Et donc, les familles vivent encore dans une grande précarité. La plupart des décisions qui sont prises en ce qui concerne la reconstruction des maisons n’associent pas les sinistrés. Donc, tout ce qui est fait pour nous, sans nous, est fait contre nous, comme le dirait Mère Teresa. Et c’est ce qu'il se passe au Congo actuellement.
Nous avons un problème de prothèses, parce qu’il y a beaucoup de personnes qui ont perdu leurs jambes, qui ont perdu leurs bras, qui n’ont pas accès aux prothèses. Et je tiens à dénoncer le scandale actuel, qui est l’organisation d’un concert de musique dans l’un des plus grands stades au Congo. Et nous pensons simplement que c’est un scandale, dans la mesure où beaucoup de familles encore sont dans le besoin. Les priorités sont ailleurs.
Un concert pour ce jour anniversaire ?
Voilà. Un concert pour le 4 mars.
A Kintélé, près de Brazzaville, le gouvernement a construit pour les sinistrés un lotissement de dix hectares. N’est-ce pas quand même une bonne chose ?
Tout ce qui est fait pour alléger la souffrance des sinistrés est une bonne chose. Et il y a un problème à ce sujet-là. Ces lotissements sont à l’extérieur de la ville de Brazzaville, ce qui pose un problème de déplacement. La plupart de ces familles avaient leurs activités autour. Toutes les activités commerciales n’existent plus, les commerçants n’ont pas reçu d’aide pour relancer leurs activités. C’est très bien d’avoir ces logements, mais ces logements sont encore beaucoup trop loin de la zone. Nous demandons à ce que dans la zone, là où les maisons ont été détruites, qu’il y ait un peu plus de travaux, pour que nous puissions repartir là où nous habitions avant, là où nous avons grandi, là où nous sommes nés. Donc vers mon logement de Mpila, de Wenze et de toute la zone.
Le gouvernement a alloué une prime d’urgence de trois millions de francs CFA à chaque sinistré. Est-ce que l’argent a été bien réparti ?
L’argent n’a pas été bien réparti dans la mesure où jusqu’à aujourd’hui, il y a des familles de véritables sinistrés qui n’ont rien touché. Et ils ont promis de relancer, justement, ces allocations d’urgence. Mais il y a un problème de transparence sur la gestion de ces fonds.
Du côté de l’enquête, les autorités ont d’abord évoqué un court-circuit accidentel, puis une trentaine de personnes ont été arrêtées. Vingt-trois militaires sont toujours détenus. Ils sont accusés d’atteinte à la sûreté de l’Etat et d’incendie volontaire. A votre avis, c'est un attentat ou un accident ?
Je ne peux pas vous le dire. Je pense simplement que depuis près d’un an, il y a un manque de volonté au niveau de la justice pour éclairer la population à ce sujet-là. Dans la mesure où ces personnes sont emprisonnées, d’accord ! Mais au niveau de la justice, il y a comme un imbroglio, dans la mesure où les responsabilités ne sont pas bien établies, les institutions de la justice se partagent la tâche de la cour d’appel à la Cour suprême…
Vous voyez, il n’y a pas assez d’éclaircissements à ce sujet-là. Nous, nous demandons la vérité. Nous demandons qu’il y ait un procès à ce sujet-là. Il y a des officiers qui sont arrêtés, c’est vrai. Mais nous pensons que ces officiers sont les boucs émissaires d’un système, où des responsables publics n’ont pas assumé leurs fonctions. Parce que vous ne pouvez pas accepter qu’en 2012, d’après ce qu’avait dit le président – que ces casernes devaient être déplacées –, ces casernes n’aient pas été déplacées. Et aujourd’hui, ces officiers qui sont arrêtés, pour nous, ne représentent pas les vrais responsables.
Certains pensent que l’arrestation du numéro 2 du Conseil national de sécurité, le colonel Ntsourou, c’est d’abord un règlement de compte.
Nous pensons simplement qu’il n’y a pas de clarté sur cela. Il est incompréhensible que depuis près d’une année, ce monsieur soit toujours en prison sans jugement ! Nous pensons simplement que s’il est le deuxième, donc il y a un premier ! Pourquoi le premier n’a pas été traduit en justice ? Pourquoi le premier ne répond pas ? On ne peut pas vous dire que c’est un règlement de compte. Mais il n’y a pas de clarté dans cette affaire !
Un an après, le dossier se perd dans les méandres de la justice et chaque cour se renvoie la balle. Pensez-vous qu’il y aura un procès un jour ?
Mais nous le souhaitons ! Parce que je crois que nous avons droit à la vérité. Nous avons droit d’apaiser nos consciences et notre douleur. Mais nous pensons qu’il y a un manque de courage au niveau des responsables publics de traduire en justice les vrais coupables. Il y a un problème de responsabilité !
Mais aussi, il faut se dire la vérité ! Les dirigeants actuels au Congo n’ont pas toujours brillé par leur clarté ! Donc si aujourd’hui la justice ne fait pas son travail, les générations à venir devront éclaircir le problème.
Par Christophe Boisbouvier
Retrouvez cet article sur RFI.fr
RFI : Joe Washington Ebina, bonjour. Combien de personnes sont mortes à Brazzaville le 4 mars 2012 ?
Ça dépend sur quelle base vous vous situez. Mais nous, nous pensons, suite à l’étendue du territoire et le nombre de personnes sinistrées, il y a eu au moins 1 000 morts.
Officiellement, il y a eu 282 morts. Des sources occidentales disent qu’il y en a eu sans doute trois fois plus. Vous, vous dites carrément 1 000 morts.
Nous pensons qu’il y a eu 1 000 morts, suite au fait que jusqu’à aujourd’hui, dans le collectif, il y a des familles qui recherchent encore des membres. Donc, cela veut dire que nous pensons qu’il y a encore plus. Malheureusement, les autorités de Brazzaville donnent un chiffre dont nous trouvons qu’il n’est absolument pas correct.
A-t-on une idée du nombre de disparus ?
Au niveau de notre collectif, nous sommes en train de les recenser progressivement. Mais le chiffre est difficile à dire. Vous savez, nous parlons d’une zone où il y avait 20 000 à 30 000 personnes. Donc, cela veut dire qu’il y a un manque de vérité dans cette affaire.
L’explosion a fait 17 000 sans-abri. Que sont-ils devenus ?
Aujourd’hui, la plupart des sinistrés vivent dans des taudis. Les familles vivent sous les tentes. Il n’y a aucune habitation qui a été reconstruite, pendant que certains dignitaires ont commencé les leurs. Il y a vraiment un problème d’habitation, un problème de logement.
Ce qui veut dire qu’il y a encore des milliers de gens qui vivent sous la tente ?
Tout à fait. Avec des pluies, dans une zone où il pleut énormément. Et donc, les familles vivent encore dans une grande précarité. La plupart des décisions qui sont prises en ce qui concerne la reconstruction des maisons n’associent pas les sinistrés. Donc, tout ce qui est fait pour nous, sans nous, est fait contre nous, comme le dirait Mère Teresa. Et c’est ce qu'il se passe au Congo actuellement.
Nous avons un problème de prothèses, parce qu’il y a beaucoup de personnes qui ont perdu leurs jambes, qui ont perdu leurs bras, qui n’ont pas accès aux prothèses. Et je tiens à dénoncer le scandale actuel, qui est l’organisation d’un concert de musique dans l’un des plus grands stades au Congo. Et nous pensons simplement que c’est un scandale, dans la mesure où beaucoup de familles encore sont dans le besoin. Les priorités sont ailleurs.
Un concert pour ce jour anniversaire ?
Voilà. Un concert pour le 4 mars.
A Kintélé, près de Brazzaville, le gouvernement a construit pour les sinistrés un lotissement de dix hectares. N’est-ce pas quand même une bonne chose ?
Tout ce qui est fait pour alléger la souffrance des sinistrés est une bonne chose. Et il y a un problème à ce sujet-là. Ces lotissements sont à l’extérieur de la ville de Brazzaville, ce qui pose un problème de déplacement. La plupart de ces familles avaient leurs activités autour. Toutes les activités commerciales n’existent plus, les commerçants n’ont pas reçu d’aide pour relancer leurs activités. C’est très bien d’avoir ces logements, mais ces logements sont encore beaucoup trop loin de la zone. Nous demandons à ce que dans la zone, là où les maisons ont été détruites, qu’il y ait un peu plus de travaux, pour que nous puissions repartir là où nous habitions avant, là où nous avons grandi, là où nous sommes nés. Donc vers mon logement de Mpila, de Wenze et de toute la zone.
Le gouvernement a alloué une prime d’urgence de trois millions de francs CFA à chaque sinistré. Est-ce que l’argent a été bien réparti ?
L’argent n’a pas été bien réparti dans la mesure où jusqu’à aujourd’hui, il y a des familles de véritables sinistrés qui n’ont rien touché. Et ils ont promis de relancer, justement, ces allocations d’urgence. Mais il y a un problème de transparence sur la gestion de ces fonds.
Du côté de l’enquête, les autorités ont d’abord évoqué un court-circuit accidentel, puis une trentaine de personnes ont été arrêtées. Vingt-trois militaires sont toujours détenus. Ils sont accusés d’atteinte à la sûreté de l’Etat et d’incendie volontaire. A votre avis, c'est un attentat ou un accident ?
Je ne peux pas vous le dire. Je pense simplement que depuis près d’un an, il y a un manque de volonté au niveau de la justice pour éclairer la population à ce sujet-là. Dans la mesure où ces personnes sont emprisonnées, d’accord ! Mais au niveau de la justice, il y a comme un imbroglio, dans la mesure où les responsabilités ne sont pas bien établies, les institutions de la justice se partagent la tâche de la cour d’appel à la Cour suprême…
Vous voyez, il n’y a pas assez d’éclaircissements à ce sujet-là. Nous, nous demandons la vérité. Nous demandons qu’il y ait un procès à ce sujet-là. Il y a des officiers qui sont arrêtés, c’est vrai. Mais nous pensons que ces officiers sont les boucs émissaires d’un système, où des responsables publics n’ont pas assumé leurs fonctions. Parce que vous ne pouvez pas accepter qu’en 2012, d’après ce qu’avait dit le président – que ces casernes devaient être déplacées –, ces casernes n’aient pas été déplacées. Et aujourd’hui, ces officiers qui sont arrêtés, pour nous, ne représentent pas les vrais responsables.
Certains pensent que l’arrestation du numéro 2 du Conseil national de sécurité, le colonel Ntsourou, c’est d’abord un règlement de compte.
Nous pensons simplement qu’il n’y a pas de clarté sur cela. Il est incompréhensible que depuis près d’une année, ce monsieur soit toujours en prison sans jugement ! Nous pensons simplement que s’il est le deuxième, donc il y a un premier ! Pourquoi le premier n’a pas été traduit en justice ? Pourquoi le premier ne répond pas ? On ne peut pas vous dire que c’est un règlement de compte. Mais il n’y a pas de clarté dans cette affaire !
Un an après, le dossier se perd dans les méandres de la justice et chaque cour se renvoie la balle. Pensez-vous qu’il y aura un procès un jour ?
Mais nous le souhaitons ! Parce que je crois que nous avons droit à la vérité. Nous avons droit d’apaiser nos consciences et notre douleur. Mais nous pensons qu’il y a un manque de courage au niveau des responsables publics de traduire en justice les vrais coupables. Il y a un problème de responsabilité !
Mais aussi, il faut se dire la vérité ! Les dirigeants actuels au Congo n’ont pas toujours brillé par leur clarté ! Donc si aujourd’hui la justice ne fait pas son travail, les générations à venir devront éclaircir le problème.
Par Christophe Boisbouvier
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